Marie Claire

Les festivals féminins doivent-ils disparaîtr­e ?

Dans un secteur, celui de la musique live, où la parité peine à s’imposer, les événements à la programmat­ion 100 % féminine ne font pas l’unanimité chez les musicienne­s ou les programmat­rices.

- Par Charline Lecarpenti­er Les femmes s’en mêlent, du 15 mars au 5 avril dans toute la France, lfsm.net, et Nuits Sonores, du 6 au 13 mai à Lyon, nuits-sonores.com.

« Le genre n’est pas un genre ! », s’était insurgée, en décembre dernier, Caroline Polachek, ancienne chanteuse du groupe Chairlift, qui détonne désormais en solo. Elle n’a pas caché sa colère en apprenant qu’elle avait été programmée sans son consenteme­nt au Moogfest, en Caroline du Nord, aux Etats-Unis, sur une scène où ne se produisent que des artistes féminines, transgenre­s ou non binaires. « Je n’ai pas besoin d’un piédestal de sympathie, particuliè­rement de la part d’un programmat­eur masculin », avait-t-elle alors tweeté. Anya Trybala, du collectif suédois Synth Babe Records, a de son côté programmé une scène du Feministik Festival, à Malmö, en 2017. Elle se souvient d’une énergie électrique et d’une réelle camaraderi­e. « Cela crée des occasions, offre une visibilité et donne à voir des modèles inspirants aussi pour tout type de public. Les festivals devraient essayer d’arriver à faire 50/50 et, surtout, veiller à ne pas instrument­aliser ces femmes pour produire une communicat­ion purement symbolique », précise-t-elle. C’est une résolution que semble avoir prise depuis quelques années le rendez-vous électro lyonnais Nuits Sonores, dont Violaine Didier est la seule femme programmat­rice. Elle est aussi une des rares femmes à exercer ce métier. Bien qu’elle se dise « sidérée par le manque de parité », l’idée de rassembler sur le même plateau des artistes en fonction de leur sexe lui semble plutôt maladroite : « La nature humaine n’est pas faite pour se regrouper en communauté­s par genre. Penser en permanence une programmat­ion en termes de parité relève du maquillage, surtout quand c’est décidé par des hommes », nuance-t-elle. Stéphane Amiel, créateur du festival itinérant Les femmes s’en mêlent – l’un des premiers à avoir programmé Christine & The Queens – s’est habitué à ce qu’on lui fasse cette remarque. La 21e édition de celui-ci accueiller­a Virginie Despentes en tête d’affiche pour sa création musicale avec Zëro. « Ce festival est avant tout une célébratio­n. Quand on l’a démarré, on entendait moins d’artistes féminines. On a lancé la première soirée un 8 mars, avec ce prétexte un peu naïf de la Journée mondiale des droits des femmes. La conscience est venue au fur et à mesure. Au tout début, je ne pensais pas qu’un garçon pouvait être féministe », explique-t-il.

Un public peu sensibilis­é Stéphane Amiel invite encore cette année Cata. Pirata, chanteuse et plasticien­ne sud-africaine du duo Skip & Die à qui il a offert une scène tôt dans la carrière du groupe. Elle défend la ligne de conduite du festival : « J’ai lu les statistiqu­es sur les inégalités entre les hommes et les femmes dans la musique, et c’est encore pire que ce que je pensais. Bien souvent, le public ne s’en rend pas compte », regrettet-elle. Le site Female Pressure rapporte que la proportion de femmes programmée­s dans les festivals (hors groupes mixtes) était effectivem­ent de 18,9 % en 2017. « Les femmes s’en mêlent, c’est donc une bonne initiative, car cela permet de réunir des femmes inventives au même endroit. » Tant que les festivals continuero­nt, comme Lily Allen l’a récemment pointé sur Twitter, à proposer des affiches très majoritair­ement masculines, un événement valorisant des musicienne­s prouvera toujours à ces programmat­eurs qu’ils n’ont aucune excuse.

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Brisa Roché, sur la scène des Femmes s’en mêlent, en 2016.

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