Marie Claire

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- Par Catherine Durand

Elle s’appelait Sophie Lionnet, avait 21 ans, un CAP petite enfance en poche, et beaucoup de rêves en tête. Depuis janvier 2016, elle travaillai­t comme fille au pair à Londres. Le 20 septembre dernier, les policiers découvrent son corps calciné dans le jardin de ses employeurs français, Sabrina Kouider et Ouissem Medouni. Un crime dont on ne sait rien. « Ils reconnaiss­ent avoir brûlé son corps mais pas l’avoir tuée, c’est une défense curieuse, dit Frank Berton, l’avocat de la famille. On ignore tout des causes du décès de Sophie, pourquoi, comment, par qui elle a été tuée. Au →

Royaume-Uni, les investigat­ions de la presse laissent à penser qu’elle était maltraitée, son alimentati­on contrôlée et son téléphone confisqué. On peut parler de séquestrat­ion, et probableme­nt d’esclavage moderne. C’est tout le sens de l’enquête menée là-bas par vingt policiers très mobilisés. »

Dans le village de Paron, dans l’Yonne, Catherine Devallonné, la mère de Sophie, réclame la vérité sur ce qu’il s’est passé dans cette maison où Sophie avait été recrutée pour s’occuper de deux enfants âgés de 3 et 6 ans. « Au début, elle m’appelait, elle postait ses photos sur les réseaux sociaux, tout allait bien. Puis elle m’a dit qu’elle avait des petits soucis, comme on peut en avoir avec un patron, jamais elle ne m’a informée de choses plus graves. Et on ne la voyait pas. A chaque fois qu’elle devait rentrer, quelque chose coinçait. Je me disais : “C’est les choses de la vie, ce mois-ci elle n’a pas d’argent pour payer son billet.” Je n’ai jamais eu de soupçons. » Selon Sylvie O’Dy, viceprésid­ente du Comité contre l’esclavage moderne*, « Ses patrons avaient certaineme­nt une emprise, caractéris­tique de l’esclavage domestique, qui lui a fait tout supporter. C’est une histoire terrible qui révèle qu’être fille au pair n’est peut-être pas toujours bien encadré. » Le 8 octobre, dans les rues de Londres, des panneaux « Au pair, not slave » émaillaien­t la marche blanche organisée en mémoire de Sophie. Son histoire tragique a libéré la parole sur les réseaux sociaux, où affluent les témoignage­s d’abus divers : horaires extensifs, absence de rémunérati­on, harcèlemen­t sexuel. Le problème relève du recrutemen­t et des intermédia­ires. Il existe dans le monde environ deux cent cinquante agences officielle­s qui recrutent des filles au pair (5 % sont des garçons), dont douze sont françaises. Constituer un dossier avec des références, cela demande du temps et a un coût. Sans compter que ce type d’échange est réglementé depuis 1969 par le Conseil européen. Ce qui n’empêche pas les dérives quand on se fie à des annonces postées sur Internet. « Passer par des sites non sécurisés, c’est gratuit et plus simple mais risqué. Les agences gèrent les soucis, le plus souvent des conflits relationne­ls entre les personnes », constate Delphine Vaills, directrice d’Europair Services. « Une copine de Sophie a vu une annonce sur les réseaux sociaux et l’a mise en contact avec le frère de Sabrina, qui vit à Paris », explique Catherine Devallonné. Son corps n’a toujours pas été rapatrié.

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Le 8 octobre 2017, une marche blanche en hommage à Sophie Lionnet est organisée à Londres, par ses amies et des jeunes filles au pair.
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Le meurtre de Sophie Lionnet (à droite) a ému le Royaume-Uni. De nombreuses personnes sont venues lui rendre hommage à Wandsworth, le quartier chic où vivent ceux qui l’employaien­t.
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