Marie Claire

ÉDITO

- — Marianne Mairesse, directrice de la rédaction

Antoine C. a une fille de 17 ans, une amoureuse et travaille avec des femmes. Il nous a envoyé un mail un dimanche de juillet pour nous dire qu’il en avait marre qu’elles soient des proies possibles dans la rue, le métro et qu’il se sentait à des années-lumière des hommes harceleurs-agresseurs. Que beaucoup d’hommes étaient comme lui. La très grande majorité, en fait. Qu’avec cette conscience, un espace public solidaire pouvait être possible, qu’il fallait au moins essayer. Cette voix d’homme nous a beaucoup touchées, nous a semblé si juste, limpide. Constructi­ve. Quand nous avons réfléchi à un dossier sur la condition archaïque des femmes dans la rue, nous voulions frapper fort : nous avons rencontré un soir Jean-Luc Bravi, président de l’agence DDB°, qui n’a pas hésité un seul instant à nous soutenir, avec son équipe et une campagne, sa femme et ses filles certaineme­nt en filigrane dans son esprit, aussi.

A ces deux hommes tout particuliè­rement, et à ceux qui ont témoigné dans nos pages en nous apportant leur saine colère et leur soutien, j’aimerais adresser un chaleureux merci.

Merci aussi aux femmes qui se sont racontées.

Car notre réalité, souvent, est celle-ci :

Ecouter de la musique dans un gros casque pour nous isoler du danger dans le métro.

Mettre un jean en pensant que c’est moins dangereux qu’une jupe. Faire un chignon de nos longs cheveux pour ne pas attirer les regards. Guetter la présence et le pas des hommes tard le soir dans la rue. Avoir le coeur qui s’accélère quand l’un d’entre eux s’assoit à côté de nous dans une rame presque vide.

Avoir peur, légitimeme­nt.

Aujourd’hui encore, un homme peut se masturber dans le métro devant une fille de 19 ans, tétanisée, et personne autour ne réagit ou n’agit. Si une ou deux personnes ne l’acceptaien­t pas, se levaient, sommaient cet homme d’arrêter, l’espace public n’apparaîtra­it-il pas un peu plus sûr parce que solidaire ? #Indifferen­ceZero

A Marie Claire, nous avons voulu créer une prise de conscience, une solidarité hommes-femmes, ne plus nous contenter de stratégies personnell­es silencieus­es et bancales. Retrouver un espace public où nous marcherion­s librement. Telles que nous voulons vivre et être.

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