Marie Claire

La solitude du vanneur de fond

Jim Carrey, producteur de “I’m dying up here”, réussit à pointer tout le malaise de l’époque et des pros du rire à travers le quotidien des résidents d’un club de stand-up dans le Los Angeles des années 70.

- Ci-dessous, Michael Angaramo (Eddie), dans la saison 1 de I’m dying up here, éclipsée par la sortie conjointe de la suite de Twin Peaks. Par Clélia Cohen I’m dying up here de David Flebotte, saison 2, à partir du 8 mai sur Canal+ Séries.

Ce n’est pas toujours drôle de faire rire : telle pourrait être la devise d’I’m dying up here, série produite par le génie comique Jim Carrey sur le monde du standup dans le Los Angeles des années 70 – période qui a vu le genre se renouveler avec des talents abrasifs tels que David Letterman, Richard Pryor ou Robin Williams, sur le point d’accéder à la célébrité. Lointainem­ent inspiré de The Comedy Store, club de spectacles mythique installé sur le Sunset Strip, à Hollywood, le Goldie’s Comedy Club de la série est la plaque tournante où viennent s’entrechoqu­er des apprentis comiques aux rêves de gloire plus ou moins exacerbés. Avec, pour tous, en ligne de mire un Graal ultime : celui d’être repéré pour aller jouer un de ses sketchs sur le plateau de The tonight show, l’émission télévisée de Johnny Carson. La tenancière des lieux, la redoutable Goldie, qui enchaîne les répliques vaches comme les cigarettes, tente de canaliser leur envie de réussir et leur peur de se compromett­re. Ce que l’on voit surtout, c’est à quel point ce petit bout de scène mal éclairée, ces quinze minutes quotidienn­es qu’ils attendent fébrilemen­t, en vivotant par ailleurs grâce à des petits boulots ingrats, est un journal intime à ciel ouvert, où chacun déverse son mal de vivre à peine caché derrière un humour vitriolé imparable. Le titre ( littéralem­ent : « Je meurs perché là-haut ») est sans équivoque : les comiques sont des êtres fragiles qui croient se consumer sur leur petite estrade, mais qui en périraient aussi si on ne leur laissait pas cette chance d’exorciser sur scène leurs fêlures – identité noire et malaise racial, problèmes d’addiction, fantôme du Vietnam, difficulté de s’imposer comme femme dans un monde alors majoritair­ement masculin… La série ausculte leur vie autant que leur époque, avec beaucoup de fi nesse.

“Urgences” ou “The practice” version stand-up

La première saison de I’m dying up here a été diff usée l’an dernier, quelques jours après le retour, sur la même chaîne, de Twin Peaks. Inutile de dire quelle série a éclipsé l’autre… Mais la chaîne Showtime, convaincue par son potentiel narratif, en a commandé une seconde saison, à la surprise générale. C’est l’occasion de découvrir une brochette de personnage­s touchants, un récit choral mené avec élégance et fluidité, rappelant l’heure des grandes séries classiques qui auscultaie­nt un milieu en profondeur à grand renfort de drames et de personnali­tés charismati­ques, comme Urgences, The

practice ou A la Maison Blanche.

Une réussite, qui mérite sa deuxième chance.

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