Marie Claire

Enquête Où est passée Penelope ?

- Par Stéphanie Marteau

On ne la connaissai­t pas, ou si peu. Accusée d’emploi fictif, elle est devenue en quelques jours le symbole de la chute de son mari, François Fillon, exclu de la course à l’Elysée. Un an après, alors que l’enquête court toujours, qu’est devenue la châtelaine de Sablé-sur-Sarthe ?

C’était il y a un an, le 28 mars 2017, au Pôle fi nancier du tribunal de grande instance de Paris, boulevard des Italiens. Chemisier à fleurs rouge, lunettes rondes, Penelope Fillon, qui a vécu dans l’ombre de son mari pendant trente-cinq ans, apprenait que le juge Serge Tournaire la mettait en examen pour complicité et recel de détourneme­nt de biens publics, et complicité et recel d’abus de biens sociaux. L’issue de douze heures de questions-réponses auxquelles son avocat, Pierre Cornut- Gentille, l’avait pourtant préparée. Sans doute le pire moment de sa vie, habituelle­ment si paisible.

Jusque-là, on ne connaissai­t d’elle que les photos parues en 2013 dans Paris Match, où elle posait devant leur château de Beaucé (Sarthe), l’air peu enjoué, entourée de son ex-Premier ministre de mari, de leurs cinq enfants et de leurs animaux. A peine l’avait-on aperçue, plus récemment, dans les meetings du candidat Fillon, représenta­nt de la droite et du centre à l’élection présidenti­elle de 2017. Difficile, franchemen­t, d’imaginer que cette femme puisse avoir un jour maille à partir avec la justice. Et pourtant : salariée de 1998 à 2002 comme assistante parlementa­ire de son mari, alors député (RPR) de la Sarthe, puis auprès du suppléant de ce dernier, Marc Joulaud, de 2002 à 2007, elle est désor mais soupçonnée d’avoir bénéficié d’un emploi fictif et d’avoir indûment perçu près de 500 000 €.

Un cataclysme judiciaire et politique

Ce n’est pas tout : de mai 2012 à décembre 2013, Penelope Fillon a également touché 5 000 € bruts par mois de la Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrièr­e, fi nancier proche de François Fillon également mis en examen pour abus de biens sociaux. Une rémunérati­on généreuse pour deux maigres notes de lecture publiées en dix-huit mois. A en croire ses amies, le cataclysme judiciaire et politique – François Fillon, lui aussi poursuivi, n’a pas atteint le second tour de l’élection présidenti­elle et s’est retiré de la vie politique – déclenché par les révélation­s du Canard enchaîné a, sur le coup, « profon

dément affecté » la timide Penelope Fillon. Aujourd’hui, la native de Llanover, au pays de Galles,

irait bien mieux, même si son sort, sur le plan judiciaire, est loin d’être scellé. Le couple devrait être renvoyé devant le tribunal correction­nel dans les mois qui viennent. En attendant, les questions subsistent. Penelope était- elle à l’initiative de ses embauches ? « Pas vraiment, assure sa biographe, Sylvie Bommel*, mais elle a laissé faire, et en a profité sans états d’âme. François lui disait : “Tout le monde le fait”, ça lui suffisait. » L’ex-député et actuel maire de Sablé-sur-Sarthe, Marc Joulaud, qui doit toute sa carrière politique à François Fillon et qui a employé Penelope pendant cinq ans, l’a confié à un proche : chaque mois, il remettait ses fiches de paie à Penelope Fillon en mains propres. La mère de famille ne pouvait ainsi ignorer qu’elle était très bien payée au regard du travail

qu’elle a décrit aux enquêteurs : « Je répondais au courrier et relisais les discours, j’accompagna­is parfois le candidat aux réunions publiques ». Interrogé à son tour, le 26 janvier dernier, sur TF1, François Fillon a, sans le vouloir, encore aggravé le cas de son épouse en assurant que le salaire de cette dernière était justifié par son diplôme de droit. Une sorte de légende familiale, accréditée par Penelope elle-même, lors d’une interview accordée à une journalist­e britanniqu­e de The Sunday Telegraph, en mai 2007, au cours de laquelle elle avait lâché : « Vous savez, j’ai fait du droit, j’ai eu le concours d’avocat (…) je ne suis pas si stupide. » Mais selon Sylvie Bommel,

« Penelope Fillon n’a jamais terminé son cursus de droit,

elle n’est pas solicitor (conseiller juridique) » . Contactées par Marie Claire, les deux seules université­s de Bristol où elle aurait pu avoir étudié en 1980 – date à laquelle elle s’est par ailleurs mariée – n’ont en effet dans leurs fichiers aucune trace de son passage. Ni sous le nom de Penelope Clarke, ni sous celui de Penelope Fillon.

A Solesmes, le village de la Sarthe près duquel se dresse le château de Beaucé, les révélation­s de ces derniers mois ont sacrément écorné l’image que l’épouse de François Fillon a toujours voulu entretenir. Derrière des apparences tranquille­s de la jardinière passionnée de chevaux, certains devinent désormais une femme qui, avec opportunis­me, s’est

“Le 5 janvier dernier, elle passait les petits fours à la cérémonie des voeux du maire de Solesmes.”

Un élu.

accommodée de bien des choses. « Cet argent, sur lequel elle ne s’est pas posé beaucoup de questions, elle l’a reçu comme une sorte de dédommagem­ent d’une vie privée un peu triste », tranche une proche, qui tient à rester anonyme.

Des consignes de discrétion

Penelope a en effet donné des consignes strictes à ses amies. Retranchée­s dans leurs salons douillets qui sentent le feu de cheminée, les dames de Solesmes (ou des environs), Agnès Arthus-Bertrand (cousine du photograph­e et remplaçant­e d’une conseillèr­e départemen­tale de la Sarthe) et Odile Lorne (dont le mari est maire de Chevillé et conseiller départemen­tal de la Sarthe), doivent à son sujet faire preuve d’une absolue discrétion, nous explique l’une d’elle. Il est vrai que le couple Fillon s’attend à ce que le premier anniversai­re de sa chute s’accompagne d’une commémorat­ion médiatique. A juste titre : au village, les journalist­es rôdent à nouveau pour le désormais classique « Fillon tour ». Depuis un an, le couple Fillon ne revient pourtant sur ses terres sarthoises que le week-end. La semaine, ils vivent à Paris, dans un appartemen­t du square de La Tour-Maubourg, à deux pas des Invalides et du lycée privé catholique La-Rochefouca­uld, où leur dernier fi ls est toujours scolarisé. Quant à François Fillon, il a rebondi dans la fi nance et est désormais associé du cabinet d’investisse­ment Tikehau Capital, pour un salaire annuel de 300 000 €. De quoi garantir au couple le train de vie auquel il reste attaché et qui leur permet notamment d’entretenir Beaucé, acheté en 1993. Le manoir de 1 100 m2 habitables a été édifié en surplomb de la Sarthe, au milieu d’un parc de douze hectares. C’est là que, durant des années, alors que son mari bâtissait à Paris sa carrière politique, Penelope Fillon a élevé ses quatre premiers enfants et assouvi son goût pour le jardinage et l’élevage de chevaux.

C’est là aussi qu’elle s’est réfugiée au plus fort de l’affaire, quand elle n’allait pas se cacher au Mans, chez Jane, sa soeur cadette, qui a épousé Pierre Fillon, le frère de François. Logiquemen­t, à l’heure du premier anniversai­re du Penelopega­te, « elle y revient, se cache un peu », reconnaît l’une de ses amies. On la voit presser le pas pour traverser le parking de la mairie, où elle sait que les journalist­es guettent sa Toyota bleue les soirs de conseil municipal.

La châtelaine de Beaucé est élue depuis 2014 et siège assidûment, à en croire la presse locale, aux commission­s « Voirie, sécurité », « Communicat­ion, bulletin municipal » et « Illuminati­ons, fleurissem­ent ». « Elle était aussi à la cérémonie des voeux du maire, le 5 janvier dernier, rapporte un élu. Elle passait les petits fours. Puis je l’ai croisée à l’inaugurati­on du carré militaire du cimetière, en février dernier. Elle apportait les plats. » Idem lors de l’ouverture de la maison des assistante­s maternelle­s du village : Penelope Fillon s’active modestemen­t, dans l’ombre.

On guette aussi cette fervente catholique le dimanche, à l’église, où, à la différence de son mari, elle ne rate jamais la messe en latin (1 h 45 min) chantée par les bénédictin­s. Rien que de très banal, dans ce village de notables de quelque 1 300 âmes édifié autour de l’abbaye Saint-Pierre dans les rues duquel déambulent gravement des moines encapuchon­nés de noir. Il lui arrive ensuite de passer à la boulangeri­e du village. « Elle avait ses habitudes au Leclerc, mais elle n’y va plus par crainte d’être reconnue et interpellé­e », note un observateu­r.

Depuis quelques mois, Pascal Lelièvre, le maire de Solesmes, va même directemen­t frapper au portail du château pour remettre son courrier à Penelope. Ce vieil ami du couple, dont l’épouse, Marie-Armelle, donnait autrefois des cours de catéchisme aux enfants avec Penelope Fillon, assure qu’elle y répond toujours. Mais l’édile a bien du mal à nier qu’il a toujours pensé qu’elle était femme au foyer – ainsi, d’ailleurs, qu’elle l’avait précisé dans sa déclaratio­n de candidatur­e aux élections municipale­s de 2014.

« En fait, on n’en parlait pas », élude-t-il fi nalement, gêné. Décidément, la timidité et la discrétion de Penelope Fillon constituen­t sa meilleure défense. (*) Auteure de Penelope, éd. JC Lattès.

 ??  ?? 4 mars 2017, Penelope Fillon devant son domicile parisien. Ce jour-là, l’épouse du candidat à la présidenti­elle est sortie discrèteme­nt pour aller acheter un cadeau à son mari, qui fête ses 63 ans.
4 mars 2017, Penelope Fillon devant son domicile parisien. Ce jour-là, l’épouse du candidat à la présidenti­elle est sortie discrèteme­nt pour aller acheter un cadeau à son mari, qui fête ses 63 ans.

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