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Peu médiatisée, la maternité transgenre et ses implications – familiales et sociales – s’imposent en plein débat sur la PMA et la GPA. Et braque la lumière sur ces hommes et femmes qui ne veulent pas renoncer à leur désir d’enfant. En juillet 2017, Trystan Reese, transgenre américain, accouche naturellement. Né femme, il a conservé son utérus, et arrêté son traitement hormonal avant de tomber enceint. Le 31 mars dernier avec son compagnon, il témoigne dans « Salut les Terriens », sur C8. C’est en visionnant l’émission qu’il découvre cette légende, sous l’image de leur couple d’hommes et de leur fi ls Leo, dans les bras : « La mère est à gauche de l’écran. » La gaffe de Thierry Ardisson le met en colère, car Trystan refuse d’être réassigné au genre féminin. Disons-le, ces images d’hommes enceints fascinent quand elles ne provoquent pas un certain malaise. « C’est normal que vous trouviez cela dérangeant, mais c’est une réalité à explorer, explique Sally Hines, professeure de sociologie et d’identité de genre à l’université de Leeds, qui lance une enquête en Europe et aux Etats-Unis, sur les implications sociales de la grossesse transgenre. On compte déjà cinquante hommes transgenres qui ont donné naissance en Amérique, autant en Australie et une douzaine en Angleterre. »
Avec la médiatisation de l’actrice de la série Orange is the new black, Laverne Cox, de Caitlyn Jenner, ou de l’acteur Jonas Ben Ahmed, dans Plus belle la vie, la transidentité est sortie de la marge. Mais de là à ce que des transgenres réa-
lisent leur désir d’enfant… « Dans les années 90 déjà, des hommes trans mettaient des enfants au monde, mais on n’en parlait pas. Aujourd’hui, ce phénomène se développe et devient visible, poursuit Sally Hines. Selon les associations LGBT, beaucoup de jeunes hommes trans pensent mener une grossesse. Notre étude sera utile pour informer notamment le monde médical. » « La problématique transgenre est troublante, convient la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval*, et la grossesse transgenre est l’acte qui attente au plus troublant du plus troublant : la définition de la maternité, autour de laquelle on tourne actuellement avec le débat sur les mères porteuses. Or c’est quoi la mère biologique ? » La parenté transgenre explose la vision traditionnelle des genres et pose la question de l’intérêt de l’enfant. « Le plus important, explique la psychanalyste, est la clarté. A une fillette de 6 ans, née d’un double don de gamètes, je répète la vérité : ni son père, ni sa mère ne sont ses géniteurs, ses géniteurs ont eux-mêmes des enfants ailleurs, mais sans avoir couché ensemble. Elle a du mal à comprendre. Mais elle n’est pas psychotique pour autant. Ces enfants doivent évidemment être suivis. Et avec les révolutions qui se profilent en matière de procréation, les psys dans trente ans auront d’autres cas à traiter. » En 2014, en Suède, est né le premier bébé au monde porté par une femme née sans utérus. Depuis, des greffes d’utérus, comme cette femme en a bénéficié, ont permis la naissance de huit enfants dans le monde. En France, deux hôpitaux ont lancé des essais cliniques. Richard Paulson, président de la Société américaine pour la médecine reproductrice, déclarait récemment que l’homme pourra accoucher « dès demain ». Des femmes trans – nées homme – rêvent désormais, grâce à ces greffes, de pouvoir porter un enfant. Et puis, un jour peut- être pas si lointain, avec l’ectogénèse, qui permettra à l’embryon de se développer hors du ventre maternel, les femmes pourront, si elles le veulent, être libérées de la grossesse. « Cela posera une nouvelle donne de la parentalité. On ne sera plus mère ou père, mais parent à égalité », prédit Geneviève Delaisi de Perceval. Ce n’est plus troublant, c’est vertigineux.
(*) Auteure de La famille expliquée à mes petits-enfants, éd. Seuil.