Marie Claire

“Quand on faisait l’amour, il me touchait comme du cristal”

Derya, 43 ans

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« Quand le diagnostic est tombé, Anton et moi étions ensemble depuis huit mois. Je l’avais dans la peau, on faisait l’amour tout le temps, on s’abreuvait de volupté. J’ai puisé dans nos corps à corps l’énergie pour partir en guerre. Mais il a paniqué et s’est mué en infirmier infantilis­ant ; j’avais l’impression d’être mourante alors que je supportais bien la chimiothér­apie. Surtout, j’avais besoin qu’il continue à me regarder comme une femme, malgré mon sein déformé par la tumorectom­ie. Quand on faisait l’amour, il me touchait comme du cristal. Il ne me caressait plus, il me berçait comme une enfant. Quand je mettais un body en dentelle, je me voyais dans ses yeux en pyjama en pilou. Un jour, il m’a même donné un baiser sur le front… Plus de fougue, plus d’animalité, plus rien de cette alchimie qui nous avait électrisés. Je ne pouvais pas laisser la maladie tuer les amants faits l’un pour l’autre que nous étions. Et j’avais besoin de vibrer pour oublier la maladie, de me laisser envahir par cette petite mort qui en remontre à la mort tout court, de me laisser emporter par quelque chose de plus fort que l’angoisse. Je me suis dit : “Si je lui fais peur et s’il reste par pitié, qu’il se barre tout de suite !” Il s’est effondré en m’écoutant et m’a confié son désarroi de ne pouvoir prendre sa part de ma souffrance, d’avoir le sentiment d’être “le mec qui abuse en continuant à baiser parce que, oui, (il avait) toujours autant envie de (moi)”, qu’il craignait de me faire mal malgré le gel lubrifiant contre la sécheresse vaginale et aussi en caressant mon sein opéré. Peu à peu, nous avons retrouvé la complicité de nos ébats, même si, avec l’hormonothé­rapie pendant cinq ans, mon plaisir est chaotique, souvent plus cérébral qu’orgasmique. Mais je n’ai pas trouvé mieux pour tenir à distance la peur aliénante de la récidive. »

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