Leboncoin m’apaise
Un regard américain sur la France : la chronique de Lauren Collins, correspondante du New Yorker à Paris.
Le pire réseau social pour la santé mentale serait donc Instagram, c’est ce que démontre un sondage récent*. L’application provoquerait dépression, angoisse et peur de passer à côté de quelque chose – peut- être une de ces images d’énorme cygne gonflable… Personnellement, je suis fan d’Instagram. Je l’utilise principalement pour préparer mes visites, guetter des expositions, des restaurants, des tendances (et, OK, parfois d’anciens petits copains, sans oublier la décoration de leur maison). Néanmoins, je peux comprendre que ce défilé d’images de perfection, vraie ou fausse, puisse altérer la confiance en soi. A ceux qui souffrent de cette maladie ultramoderne, je propose le merveilleusement vieillot leboncoin.fr, plus douillet qu’un selfie sans maquillage. Leboncoin, soit l’opposé d’Instagram, où l’on trouve des choses démodées grâce à une interface qui rappelle l’enseigne d’un Carrefour City. Prenons les dernières annonces d’un lundi après-midi : on a un lot de cinq WC suspendus neufs, une traverse de Peugeot 306 de 1996, un pouf à effet jean, un pisto- let à peinture électrostatique et une robe de mariée (taille 36, gants offerts). J’ai déménagé récemment et, pour meubler mon nouvel appartement, je suis devenue accro à ce site et à ses plaisirs paisibles, ses trésors poussiéreux toujours vendus par un monsieur super-gentil qui s’appelle Michel et qui serait content de vous les envoyer par Chronopost pour 12 € de plus. Les achats arrivent. Leboncoin est également la meilleure façon de se débarrasser de trucs dont vous n’avez plus besoin. Ce n’est peut- être que de la chance, mais j’y ai trouvé des perles, matérielles et humaines. J’y ai déniché pour 70 € une coupe à fruits signée Jérôme Massier, céramiste très apprécié de Vallauris. Je devrais la revendre sur 1stdibs. com – brocante en ligne très chic, où j’en ai vu une identique à plus de 1 000 € –, mais je n’ai pas envie de partir du bon coin, c’est si réconfortant.
(*) Réalisé auprès de 1 500 adolescents et jeunes adultes par la Royal Society for Public Health et le Young Health Movement.