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Pour elles, le gigantesque projet de mine à ciel ouvert de la Montagne d’or est une catastrophe écologique et humaine. Engagées sur le terrain, soutenues par les ONG, des militantes nous racontent leur combat.
A g. : Cindy Van der Pijl (à g.) et Amandine Galima (à d.) à la manifestation contre la Montagne d’or à Saint-Laurent-duMaroni, le 18 juin dernier. A d. : site d’orpaillage illégal, entre Cayenne et le camp citron.
Au rythme des tambours ancestraux, elles figurent en tête de cortège. Avec leurs peintures de guerre et leurs capes traditionnelles, elles se mobilisent depuis mai contre la Montagne d’or, projet de mine industrielle en Guyane programmé pour 2022. Amandine Galima, Cindy Van der Pijl, Clarisse Da Silva et Vanessa Joseph ont rejoint la Jeunesse autochtone de Guyane ( Jag). Appuyée par des ONG et des politiques de tous bords, cette association milite pour la reconnaissance des droits des autochtones. Mawaluìm Galima (« esprit qui réside dans la racine des arbres ») en amérindien (Amandine en français), est l’une des dernières recrues de la Jag. On la reconnaît à son signe distinctif : une plume bleue et rouge dans les cheveux. Devenue co-porte-parole du mouvement, elle s’amuse, avec la dextérité d’une Cat’s Eye, à manipuler sa collection de couteaux, baptisés Samourai, Barbare ou Rambo « Je n’ai pas encore trouvé de petit nom pour ma baïonnette d’AK-47. Vu les épreuves que la vie nous inflige, si on n’est pas des guerrières on n’avance pas. Mais contre la mine, la seule arme qu’on puisse utiliser c’est notre voix. On est les premiers sur ces territoires. Le gouvernement doit nous consulter avant de voter ce projet. »
Des emplois contre du poison
Avec son nom digne d’un conte de fée, la Montagne d’or promet pourtant un avenir industriel radieux à la Guyane. Plus grand projet d’extraction d’or primaire à ciel ouvert jamais proposé en France, ses retombées financières sont estimées à 3 milliards d’euros, avec la promesse de 750 emplois directs (à 90 % locaux, selon les investisseurs) et 3 000 indirects. Une opportunité pour le département, où le taux de chômage dépasse 20 %. Située en pleine Amazonie, à la lisière de deux réserves biologiques, son impact sur l’environnement inquiète. En cause, notamment, la technique d’extraction, dénoncée par les ONG et les populations autochtones, qui prévoit 46 000 tonnes de cyanure stockées par des digues. Le Brésil ne s’est toujours pas remis de la catastrophe causée par l’effondrement de digues similaires, déversant métaux lourds et substances toxiques aux alentours de la mine de fer de Samarco en 2015 : la plus grande pollution environnementale de l’histoire du pays. Amandine nous fait visiter son « paradis amérindien », le village d’Awala-Yalimapo, bordé de cocotiers, de sable blanc et d’eaux stagnantes dues à l’orpaillage. « Il y a une mine d’or en amont. Ses rejets ont fini par amalgamer tous les sédiments que le fleuve amenait en bord de mer. Depuis, on est infesté de moustiques. L’orpaillage, légal ou non, peut détruire notre forêt. Il n’y aura pas de retombées économiques pour la Guyane, c’est un mirage. Quel parent accepterait d’envoyer un enfant au fond d’un trou au contact de produits chimiques ? » Et d’enchaîner les arguments : « Les emplois ne seront pas si nombreux ; il y a un risque de pollution des rivières et de la forêt ; une route va être construite au milieu de la jungle ; le projet sera construit sur un ancien site sacré amérindien »… Les filles de la Jag souhaitent aussi revaloriser l’héritage de leurs ancêtres, garants des traditions et des connaissances de l’Amazonie. De plus en plus nombreuses à se présenter aux élections, les femmes politiques autochtones voient leurs rangs se renforcer. Aux Etats-Unis, les Native Americans ont lutté sans relâche (et perdu) contre le pipeline du Dakota du Sud, d’où ont émergé Phyllis Young, militante sioux, ou Deb Haaland, qui sera peut-être la première Amérindienne élue au Congrès. Pour Amandine, leur force réside dans leur rapport au temps : « On n’est pas dans l’instantané, on cherche à préserver ce qui existe depuis toujours. » De nouvelles voix à entendre absolument.