Marie Claire

De la nécessité d’un vrai congé paternité

- Marianne Mairesse, directrice de la rédaction @marianne.mairesse

Je me souviens du claquement de la porte d’entrée quand le père de mon fils partait travailler le matin. Je restais seule avec mon bébé et j’étais perdue. En 2003, mon compagnon m’avait dit que s’arrêter pour un bébé, « ça ne se faisait pas ». Il ne se sentait pas autorisé à le faire. Mais le désirait-il vraiment ? J’ai fait face en ayant peur, en ayant l’impression de toujours mal faire. Combien de nouvelles mères ressentent, entre les murs de leur appartemen­t, l’infinie solitude et la détresse ? Des milliers de fois en plein jour j’ai fait le tour du salon pour essayer de calmer ses pleurs, j’ai racheté cent fois la même purée de carottes parce que celle-ci, il la mangeait bien, je me suis endormie malgré moi, épuisée, à ses côtés.

Je me souviens des petits-déjeuners merveilleu­x que mon compagnon me préparait avant de partir : oranges pressées, yaourt fermier aux fraises, tartines à la confiture, salade de poires ou d’ananas bouteille… J’allaitais. Une oasis avant l’absence. Puis le silence fracassant.

Aujourd’hui mes enfants ont 13 et 15 ans et, quand ils partent le matin pour le collège ou le lycée, j’ai toujours peur qu’ils aient froid. Je suis celle qui a le souci quotidien de leur bien-être. Parce que depuis le tout premier jour j’ai essayé de les lire, de les comprendre, de répondre à leurs besoins. Pourquoi, dans l’immense majorité des cas, ce ne sont pas les pères qui sont à la porte et tendent une écharpe à leur enfant ? Pourquoi ce ne sont pas eux qui plantent une réunion pour aller le chercher quand il est fiévreux? Pourquoi n’est-ce pas eux qui pensent au sandwich, aux chips et à la pomme pour la sortie scolaire? Pourquoi n’est-ce pas eux qui, le soir, nous parlent du voile de tristesse perçu dans les yeux de leur fille ? Parce qu’ils sont trop loin ! Les onze misérables jours légaux du congé paternité en France sont une aberration. Le père devrait être là au moment où le lien se construit, où les habitudes se créent, où la connaissan­ce mutuelle se fonde. On ne se renseigne pas sur son enfant, on le connaît. La distance qui se creuse là est irrattrapa­ble. Et l’on en arrive à une charge excessive pour la mère et à des phrases insupporta­bles comme:

« Je peux t’aider ? » Comme l’amour, la charge de l’enfant doit être partagée.

Une loi doit allonger le congé paternité pour donner une vraie place au père. Je pense même qu’il faut le rendre obligatoir­e. Cela ouvrirait aux hommes un nouveau monde, une conscience, une tendresse. J’aimerais terminer par les mots d’un père qui sait déjà cela. L’écrivain Philippe Jaenada nous raconte, page 130:

« J’ai été présent à chaque minute depuis sa naissance. Je l’ai vu grandir dans mes bras, millimètre par millimètre. Pour être franc, ça n’a pas toujours été facile. On s’est retrouvé avec ce petit machin. Comme j’écrivais la nuit, je m’occupais de lui. Quand aux couches, je suis passé maître, les yeux fermés. Les réunions de parents d’élèves, on a tout fait ensemble. »

Ils étaient deux.

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