Marie Claire

Dans le bureau de Fanny Herrero

- Par Marina Rozenman — Photos Elise Toïdé

La chef scénariste et créatrice de la série “Dix pour cent”* nous parle de son quotidien au travail, entre nécessité de s’imposer, solitude du décisionna­ire et bulldozers en mousse.

—Que faites-vous en arrivant au bureau ?

Avec mon équipe de coauteurs, nous nous racontons toujours notre humeur du jour, ou ce qui nous est arrivé la veille.

—Prenez-vous un petit-déjeuner ?

Oui, et tous ensemble. Nous avons une famille recomposée avec des semaines – sportives – avec quatre enfants, et d’autres avec juste notre Rosalie, 2 ans. Et en dehors du fait que je déteste avoir à me lever à 7 heures du matin, j’aime l’incroyable énergie qu’ils ont et qu’ils nous transmette­nt dès le début de la journée.

—Que faites-vous pour tenir le coup ?

Je structure mes journées. J’ai des horaires fixes.

—Vos trois principes de management ? 1) Prendre la place de meneur mais savoir, par moments, se mettre en position de suiveur. 2) Se montrer fort, sans pour autant totalement cacher ses doutes. 3) Etre à la fois très sérieux et pas du tout. Pour être créatif, il faut savoir être idiot.

—En quoi êtes-vous la plus douée ? Je ne lâche rien. Je peux revenir dix fois sur un même problème. Le tourner dans tous les sens. Aller au bout du bout. L’explorer totalement. Ce n’est pas toujours agréable pour mes collaborat­eurs, mais c’est ma qualité. —Et votre faiblesse ?

J’ai du mal à déléguer, à demander aux autres de faire. Et je suis trop dans l’affect.

—Connaissez-vous le sentiment de solitude au travail ?

Bien sûr. Surtout le soir, quand je m’endors. J’ai du mal à couper le flux de pensées. Je me demande : ultimement, cette saison elle va parler de quoi ? Et ce personnage, il va vivre quoi ? Décider, trancher : c’est entre mes mains. Et c’est là qu’on se sent très seule.

—Avez-vous connu la misogynie au travail ?

Oui, malheureus­ement. Tant qu’on est douce et compréhens­ive, tout va bien. Mais dès qu’il y a une situation de conflit, certains hommes ont encore du mal à supporter qu’une femme se rebiffe ou tape du poing sur la table, alors que bon nombre d’entre eux sont des profession­nels de l’agressivit­é et de l’impunité.

—Le meilleur conseil profession­nel que l’on vous ait donné ?

Un jour où j’avais l’impression que la montagne était trop énorme à gravir, ma mère m’a dit : « Arrête de tout regarder comme un problème : trouve ton plaisir dans la résolution. »

—Aimez-vous le pouvoir ?

Disons que… j’ai besoin de me distinguer, donc d’émerger et de prendre une position de respon- sabilité – ça m’est assez insupporta­ble quand on me la renie ou qu’on me la conteste mais, en même temps, une fois que je l’ai, je trouve ça par moments très difficile. (Rires.)

—Avez-vous été atteinte du syndrome de l’imposteur ?

Plutôt par son cousin, le syndrome du « ce n’est pas encore assez bien ». On dit de moi que j’ai un côté bulldozer, mais le bulldozer n’est pas entièremen­t fait de métal. Il est, par endroits, en mousse.

—Pensez-vous, comme Sheryl Sandberg (numéro deux de Facebook), que pour faire carrière il faut choisir le bon partenaire de vie ?

Pour réussir, je crois que nous avons besoin de plusieurs bons partenaire­s de vie… D’un compagnon aimant, bien sûr, et égalitaire dans sa conception du travail et de la famille, mais aussi d’amis fidèles et francs, de collègues talentueux. ses et bienveilla­nts… et d’une super-nounou.

(*) Saison 3, à partir du 14 novembre, le mercredi sur France 2.

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 ??  ?? A 44 ans, cette ancienne volleyeuse est la showrunneu­se de la série Dix pour cent, et à la tête d’une équipe de six scénariste­s.
A 44 ans, cette ancienne volleyeuse est la showrunneu­se de la série Dix pour cent, et à la tête d’une équipe de six scénariste­s.

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