Marie Claire

Moi lectrice J’ai vécu une histoire d’amour avec un acteur oscarisé

- Par Sonia Desprez Illustrati­ons Mugluck

Attachée de presse dans le milieu culturel, Camille avait l’habitude de ces soirées un peu irréelles fréquentée­s par des artistes de renommée internatio­nale. Un matin, pourtant, les choses sont devenues très concrètes lorsque l’un d’entre eux, un acteur célèbre, l’a rappelée.

J’ai été élevée dans le culte des artistes : ma mère était d’une famille très cultivée et avait voulu, dans sa jeunesse, être actrice. Elle a veillé à ce que je voyage beaucoup, à ce que j’apprenne vite l’anglais. Elle voulait que je fréquente tous les milieux, pour être à l’aise partout. Jeune fille, j’ai aussi voulu être comédienne, j’ai fait une école de théâtre à Paris. J’ai finalement renoncé à jouer, mais mon attachemen­t au théâtre m’a amenée à travailler dans ces milieux, où j’ai régulièrem­ent croisé des célébrités. A 25 ans, je suis partie travailler à l’étranger pour un festival où je recevais des écrivains et artistes reconnus. Il m’est arrivé de flirter avec certains d’entre eux, parfois de passer une nuit. C’était toujours des gens que j’admirais, et on peut dire que j’étais fascinée par une forme de célébrité. Il me semblait que me rapprocher de grands artistes, en être appréciée, me donnait une certaine valeur. De retour en France, j’ai travaillé pour une marque de mode qui organisait une soirée pendant le Festival de Cannes. J’accueillai­s les invités importants. C’était une belle soirée dans une villa méditerran­éenne avec son jardin fleuri de bougainvil­liers et de lauriers. On m’avait prévenue de sa venue, je l’attendais, fébrile. J’étais impression­née, parce que j’aimais ses films. Il avait travaillé avec des réalisateu­rs américains légendaire­s, et il avait un oscar. Il est arrivé avec un ami. Comme j’avais développé, très jeune, une aisance de conversati­on dans tous les milieux, il m’a été simple de l’aborder, et l’entente entre nous a été immédiate. Nous avions des goûts musicaux et cinématogr­aphiques très proches, les mêmes opinions politiques. Nous avons longuement parlé, et très vite plaisanté. Même si j’avais déjà vécu ce genre de soirée un peu irréelle grâce à mon métier, j’étais surexcitée. Puis nous sommes allés, accompagné­s de son ami, boire un dernier verre à son hôtel, et son chauffeur nous a ramenés en ville, son ami et moi. Le lendemain, il a cherché mon numéro et m’a appelée. Nous avons bu un verre. Il m’a dit que je lui plaisais. J’étais étonnée car il était marié à une actrice, elle aussi oscarisée. Je l’ai interrogé, et il m’a dit qu’elle était « très compréhens­ive ». Mais un homme marié, ça me faisait peur, et puis j’avais moi-même un petit ami dont j’étais amoureuse. Je lui ai expliqué tout ça et nous nous sommes quittés bons amis. Dès le lendemain, il a commencé à m’envoyer des messages. Pendant plus d’un an, nous avons eu une correspond­ance régulière : il m’envoyait ce qu’il écrivait, ses inspiratio­ns, je lui parlais de ma vie qui changeait, de ma rupture avec mon fiancé, de mon nouveau travail. Nos échanges me réconforta­ient. Nous avons noué une grande complicité intellectu­elle, nous nous faisions découvrir des auteurs, des reprises de Leonard Cohen, des morceaux de Rufus Wainwright… Avec nos goûts communs, nous avons créé une sorte de monde imaginaire, dans un langage fait de références, de paroles de chansons que nous aimions… Toujours par e-mail. Au bout d’un an, il m’a écrit qu’il rendait visite à un ami à Paris et qu’il aimerait qu’on se voie. J’ai accepté et dîné avec eux. Après, il m’a raccompagn­ée et nous nous sommes embrassés.

« Prends ton pyjama »

Il m’a dit que son mariage était fini, qu’ils allaient se séparer. Mais j’ai refusé qu’il monte chez moi. Je lui ai dit de me rappeler quand il serait vraiment libre. J’avais peur qu’il n’ait trop de pouvoir sur moi, et surtout je n’avais pas envie d’endurer un chagrin d’amour. J’étais enfin parvenue à reprendre confiance en moi, j’arrivais à tenir tout ça à distance, malgré l’excitation. Il est reparti. On s’envoyait plusieurs messages par jour. J’en avais parlé à quelques amis. J’avais la sensation de vivre quelque chose d’extraordin­aire. C’était comme un secret exceptionn­el qui me rendait moi-même exceptionn­elle. Quelques semaines plus tard, sa séparation a été annoncée dans les médias. Très vite, il m’a dit qu’il aimerait bien venir me voir. Là, j’ai dit oui. Il a réservé une chambre dans un grand hôtel et m’a prévenue qu’il allait falloir être très discret à cause des paparazzis. Ça aussi, c’était vertigineu­x. Avant qu’il arrive, j’ai pris peur, j’ai été malade toute une nuit. Je lui ai dit que je ne pouvais pas venir, mais il a répondu : « Arrête, prends ton pyjama et viens, on a tous les deux besoin d’une pause, on va la prendre ensemble. » J’y suis allée. Au début, c’était un peu emprunté : il avait pris deux chambres communican­tes, pour que je sache que je n’étais pas obligée de coucher avec lui si je n’en avais pas envie. On est allé au restaurant. Là, il m’a d’abord parlé de sa femme, et c’était très bizarre d’entendre les détails intimes de ces gens que je n’avais vus qu’au cinéma et que j’admirais depuis l’enfance. Et puis, bon, c’était son ex-femme : pas la conversati­on idéale d’un début d’histoire. J’ai dit : « Stop », il a compris, on est rentré et on a fini dans son lit, où on a passé une semaine ou presque. Quand il est reparti, je suis rentrée chez moi à Vélib’, très tôt le matin, dans Paris vide. On a continué à s’envoyer des messages tout le temps. Je m’autorisais enfin à être amoureuse de lui.

Il m’a proposé de le rejoindre sur une île paradisiaq­ue dans l’océan Pacifique. Son meilleur ami, chanteur de rock, avait une maison là-bas, et il était sûr qu’on y serait tranquille. Il m’a envoyé un billet d’avion pour le rejoindre. Je vivais un rêve. Je commençais à m’imaginer aller vivre à Los Angeles avec lui. J’étais extatique, j’avais du mal à y croire. Pourtant tout était réel. Et puis soudain je l’ai senti s’éloigner. Ses messages ont été moins nombreux, plus évasifs. La peur au ventre, j’ai demandé ce qu’il se passait. Il sentait que ça n’allait pas être si facile. Mais il voulait quand même que je le rejoigne sur l’île. J’y suis allée, inquiète. Et quand je suis arrivée, après de longues heures de vol, j’ai tout de suite senti que c’était fichu.

Draguer une fille devant moi

Il était content de me voir, mais obsédé par sa rupture. Ce fut horrible. Le cadre était d’une beauté folle, et la nature, ultra-sauvage, sublime, j’ai monté à cheval dans la jungle, fait du paddle sur le Pacifique, appris à surfer avec son copain, sympathisé avec sa femme, une ancienne top-modèle, leurs enfants étaient charmants, une de mes actrices préférées leur a rendu visite et j’ai rigolé avec elle… Mais lui avait la tête ailleurs. Il en devenait presque désagréabl­e. Il a passé pas mal de temps au téléphone, avec des gens, à parler de sa séparation, à vaguement draguer une fille devant moi. Je faisais bonne figure, mais je ne me sentais plus trop légitime à être là. Je suis rentrée chez moi, triste. Je lui ai envoyé un message de remercieme­nt, puis plus rien. Il a timidement insisté. Puis envoyé des voeux pour mon anniversai­re. Puis m’a demandé de venir le voir à Los Angeles. J’ai refusé. Je suis restée chez moi pendant une semaine à pleurer. Et je me suis doucement remise. Quelques années plus tard, j’ai reçu un message de lui. Il était de passage à Paris et me proposait de l’accompagne­r au théâtre. Mais j’avais retrouvé l’amour et j’attendais mon premier enfant. Je le lui ai dit. Il a répondu avec beaucoup de gentilless­e, envoyé ses voeux de bonheur. Récemment, j’ai entendu un philosophe dire que chercher la célébrité était une illusion afin de conjurer notre mortalité. Et cela a été évident pour moi : je voulais être quelqu’un, mais je ne me croyais pas capable d’y arriver par moi-même, alors je compensais en entrant dans le cercle de ceux qui allaient laisser leur nom dans l’histoire. Finalement, je suis fière de cette histoire, qui fait partie de la mienne, mais j’ai trouvé le bonheur autrement.

Vous souhaitez raconter votre histoire ? Envoyez-nous un résumé par e-mail. Contact : cgoldberge­r@gmc.tm.fr

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France