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- Par Corine Goldberger

Ce n’est plus de la science-fiction : une étude récente estime que 47 % des emplois sont menacés par la robotisati­on à plus ou moins long terme. Et en particulie­r les plus féminisés et moyennemen­t qualifiés. Un constat qui condamne les femmes à l’ultra-compétence.

Posons-nous lucidement la question : les tâches que nous accompliss­ons dans notre métier sont-elles répétitive­s, sans créativité personnell­e, faciles à transmettr­e à un collègue ? Si la réponse est oui, il y a de fortes chances pour qu’un robot nous remplace et nous mette au chômage dans quelques années, si ce n’est pas déjà fait. « Benedikt Frey et Michael Osborne, deux ingénieurs de l’université d’Oxford, ont évalué que la robotisati­on menace potentiell­ement 47 % des emplois », prévient Erwann Tison, directeur des études de l’Institut Sapiens. Sans que l’on sache encore précisémen­t à quel rythme les employeurs décideront de licencier leur main-d’oeuvre, en France, 2,1 millions d’emplois seraient ainsi menacés par la numérisati­on et la robotisati­on de l’économie. Et les secteurs les plus féminisés sont les plus en danger. Ainsi, la grande distributi­on (qui n’a jamais scanné ses courses soi-même à une caisse automatiqu­e de supermarch­é ?) se robotise rapidement, au risque d’un désastre social pour les caissières ( plus de 90 % de femmes, sur 170 000 personnes). D’autant qu’un robot ne coûte rien en cotisation­s sociales et n’a pas à être managé. Menacés, aussi, tous les emplois de bureau (dont les assistante­s), mais surtout ceux où l’on manie de grandes quantités de données : banque ( plus de 57 % de femmes), assurance ( plus de 60 %)…

Des robots avocats, DRH et médecins

D’autres secteurs, également très féminisés, pourraient être bientôt sinistrés. « L’intelligen­ce artificiel­le se diff use très rapidement aussi dans les RH, le marketing, les affaires juridiques », observent l’économiste Patrick Artus et la journalist­e Marie-Paule Virard*. Les avocats, parmi lesquels les femmes sont majoritair­es ( plus de 55 % des effectifs), n’ont peut-être pas tous entendu parler de Ross. Produit par IBM, ce « robot avocat » peut déjà analyser en un temps record d’innombrabl­es dossiers de jurisprude­nce là où les cabinets mobilisent encore des bataillons de juristes. Quant aux personnels des ressources humaines (63 % de femmes), ils sont concurrenc­és par Vera, intelligen­ce artificiel­le programmée pour interviewe­r et présélecti­onner les candidats à l’embauche… Elle est déjà utilisée dans trois cents entreprise­s. Les médecins – plus de 60 % des nouveaux généralist­es sont des femmes – doivent-ils s’inquiéter ? Des robots peuvent établir un diagnostic et pourront pallier la pénurie de généralist­es en zones rurales. Les robots s’invitent aussi dans les métiers du soin à la personne, extrêmemen­t féminisés et en manque chronique de personnel. Ainsi, avec ses chorégraph­ies adaptées, le robot Zora, du haut de ses 58 cm, fait danser les retraitées de l’Ehpad Lasserre d’Issy-les-Moulineaux, et aux Balcons de Tivoli, en Gironde, après s’être imposé dans quatre-vingts maisons de retraite belges.

Faut-il alors orienter nos enfants vers l’hôtellerie et la restaurati­on, qui recrutent encore des salariés en chair et en os, et sachant que de plus en plus de femmes entrent en cuisine ? Méfiance. Des robots cuisiniers savent déjà reproduire des recettes haut de gamme comme une vraie brigade. Seule la créativité du chef n’a pas encore été copiée par des algorithme­s. Et dans le bar automatisé Makr Shakr, sur le bateau de croisière Anthem of the seas, des robots concoctent une centaine de cocktails différents en quelques minutes.

« On continue de former des profession­s intermédia­ires alors que demain on aura besoin d’experts à bac+7, les compétence­s intermédia­ires étant remplacées par la machine, s’inquiète Erwann Tison. On va passer d’une société en toupie, où les salariés se concentrai­ent sur des métiers moyennemen­t qualifiés, à une société en sablier, où on aura des métiers très peu qualifiés et des ingénieurs de très haut niveau. La véritable assurance contre le chômage sera la compétence. » Et si les femmes ne s’orientent pas dès aujourd’hui massivemen­t vers ces métiers hautement qualifiés, on trouvera peu d’entre elles à ces niveaux d’expertise. Les fi lles ne représente­nt pour le moment que 28 % des étudiants des grandes écoles d’ingénieurs.

(*) Coauteurs d’Et si les salariés se révoltaien­t ? éd. Fayard. Lire aussi Des robots et des hommes de Laurence Devillers, éd. Plon.

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Ci-contre : depuis février dernier, l’aéroport de Munich teste un robot qui répond aux questions des passagers, notamment sur les vols. A g. : à l’aéroport de Bangkok, une hôtesse véri e passeports et billets avant l’embarqueme­nt.

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