Marie Claire

Les filiations croisées de Jeanne Herry

Avec son deuxième long-métrage, la cinéaste conjure son ascendance célèbre en filmant, sans pathos, le parcours de parents adoptants.

- Par Emily Barnett Pupille de Jeanne Herry, avec Sandrine Kiberlain, Elodie Bouchez, Gilles Lellouche.

Jeanne Herry n’est pas née sous X. Fille de l’actrice Sylvette Herry – le vrai nom de Miou-Miou – et du chanteur Julien Clerc, sa venue au monde a eu lieu sous les projecteur­s, dans le giron de parents célèbres. Comment expliquer alors que Pupille, son deuxième long métrage, ne traite que de géniteurs anonymes, d’enfant abandonné et d’adoption ? « Une journalist­e belge a souligné ce paradoxe. Moi qui pensais avoir tout compris de mon propre film, j’en étais pantoise. Je n’avais rien vu alors que c’était gros comme une maison. »

Cette fiction retrace les trois premiers mois de vie d’un nourrisson avant qu’il soit adopté. Derrière ce projet qui pourrait faire peur, parce qu’édifiant ou jouant la carte du pathos, se déploie une intrigue touchante et documentée, portée par une belle urgence. « Une amie qui souhaitait adopter depuis des années m’a un jour appelée, en larmes : les services sociaux avaient enfin un bébé pour elle. Elle était euphorique et paniquée. C’était la chose la plus belle et la plus bizarre au monde. Sa réaction m’a interpellé­e ; je me suis dit que ce serait beau de filmer ce type de rencontre. » Des rencontres, il y en a beaucoup dans Pupille : psychologu­e, éducatrice, assistant familial… tous se démènent pour trouver un foyer au petit orphelin, et il faut dire que les acteurs semblent prendre leur rôle à coeur : Sandrine Kiberlain, Elodie Bouchez ou Gilles Lellouche, formidable en papa poule provisoire : « Il fallait un homme au milieu de ce choeur de femmes. Gilles était parfait, doux, charnel, viril et très terrien. » La grande force de Pupille est de montrer l’adoption non comme un chemin de croix mais comme une délivrance. Un pas vers la liberté. Presque une chance – au sens où cet enfant trouve avec sa mère adoptante un amour possible.

« L’image de mes parents me colle à la peau »

Pour la réalisatri­ce, cela revêt forcément un sens particulie­r : « Mes parents sont très aimés. Leur image me colle à la peau. Cela produit une pression. On sent toujours qu’il y a de la part des autres une attente, un regard. Ils cherchent la ressemblan­ce. Du coup, derrière, on n’a pas envie de se gaufrer. C’est un facteur aggravant pour soi-même. » Cette fille de la balle reconnaît que sa mue a pris du temps : après une première vie d’actrice, Jeanne Herry a publié un roman chez Gallimard, puis a continué d’écrire et mis en scène un premier film, Elle l’adore, déjà avec Sandrine Kiberlain. « Quand il est sorti, j’ai eu l’impression de passer en zone libre », sourit- elle. Le jour où Jeanne a cessé d’être simplement la fille de ses parents pour devenir ellemême, une cinéaste douée.

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Sandrine Kiberlain et Gilles Lellouche.
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Jeanne Herry.

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