Mère et mannequin Liya Kebede
Ses enfants ont 13 et 18 ans, et au départ, elle était perdue. Elle nous raconte « le défi quotidien d’être parent » en garde partagée, mais aussi les moments simples de complicité.
“C’est à moi, l’adulte, de réussir à m’adapter à leur évolution. J’essaie de me souvenir d’être avec eux, pas contre eux.”
—Marie Claire : Quel genre de mère êtes-vous ? Liya Kebede :
Trop protectrice, probablement. (Rires.) Mais j’en suis consciente, j’essaie de me contrôler.
—Comment avez-vous vécu le fait de devenir mère ?
J’étais assez jeune, 23 ans, je n’y ai pas vraiment réfléchi, parce que quand ça arrive, on plonge. C’est accablant, on se sent un peu perdue au début. On est supposée savoir ce qu’il faut faire. J’avais lu tous les livres possibles, mais quand l’enfant est là c’est un saut dans le vide, on fait comme on peut. Les deux fois, ma mère est venue m’aider, heureusement.
—Comment avez-vous appris à être mère ?
De mes parents j’ai reçu l’honnêteté, la droiture, le fait de travailler dur, d’écouter son coeur, et une forme de confiance et de sécurité intérieure. Je tiens à transmettre ces valeurs, c’est mon côté mère éthiopienne un peu traditionnelle. Mais je souhaite aussi avoir une communication plus ouverte avec mes enfants, qu’ils puissent partager avec moi toutes leurs pensées, leurs émotions. Ça, c’est l’influence occidentale.
—Et ce que vous ne voulez pas transmettre ?
Mes peurs et la culpabilité. C’est très difficile.
—A quoi tendez-vous ?
Que mes enfants soient bien dans leur peau, compatissant, humains. Qu’ils soient conscients de la façon dont ils vivent, que tout ce qu’ils font est un choix et qu’ils sachent l’ajuster à ce qu’ils veulent. C’est un défi quotidien d’être parent, on s’inquiète pour eux, on ne veut pas qu’ils souffrent, mais tout cela sans les envahir.
—Comment organisez-vous le temps avec eux ?
Les soirées, les week- ends, les vacances, on fait des choses simples : dîner, regarder un film, se détendre. Leurs vies et la mienne sont assez chargées, on n’en rajoute pas. —Qu’est-ce qui est le plus difficile ?
Quand je sens qu’ils vivent quelque chose de difficile mais que je ne peux pas les atteindre pour les aider. Si ça arrive, je réfléchis, je change de stratégie, car c’est à moi, l’adulte, de réussir à m’adapter à leur évolution. J’essaie de me souvenir d’être avec eux, pas contre eux.
—Qu’est-ce qu’on ne dit pas assez sur la maternité ?
Qu’on ne retrouve jamais vraiment un bon sommeil.
—Est-ce qu’être enceinte a un impact sur votre métier, où le corps est très important ?
Mes grossesses ont été difficiles : j’étais fatiguée, malade, mon corps était très douloureux. J’ai essayé le yoga, et après les accouchements on ne retrouve jamais son corps, mais on peut s’en approcher, surtout que j’étais jeune, et pour reprendre mon métier j’ai fait des choses assez intenses, comme du kick-boxing.
—Ressentez-vous la charge mentale ?
Oui. La maternité oblige à s’organiser, à devenir multitâche. Mais je suis tout le temps fatiguée.
—Qu’est-ce que vos enfants vous ont appris de votre rôle ?
Qu’il faut s’adapter tout le temps à leur évolution. Il n’y a pas longtemps, j’ai raconté à ma fille que j’avais fait un cauchemar où elle était blessée, j’essayais de la protéger, mais je n’y arrivais pas, et elle a dit très calmement : « Tout va bien, je peux me protéger moi-même. » Ça m’a laissée sans voix, c’était tellement doux, et mature en même temps, et je me suis dit : « Elle a raison, je dois faire un effort pour me mettre plus en retrait. »