Marie Claire

Idées claires

Recherchée ou redoutée, douloureus­e ou inspirante ? Quatre personnali­tés racontent leurs chassés-croisés avec cet état et ce sentiment.

- Par Fabrice Gaignault — Illustrati­ons Alexandra Compain-Tissier

Olivier Adam, écrivain

“Je suis le genre de mec qui s’en va au milieu d’une soirée et qui se dit ensuite : merde, je suis en train de tout rater.” « Chez moi la solitude est à la fois subie et nécessaire. Dans une espèce d’aller-retour entre volonté de retrait et désir d’être au centre. La question de la solitude est un peu au coeur de ma démarche d’auteur. Etre, sinon solitaire, légèrement en retrait offre un poste d’observatio­n idéal. Je pratique une espèce de marche du cavalier aux échecs : j’avance, mais avec un pas de côté. Je reste en périphérie de l’action. Pour un écrivain, les aspects négatifs de la solitude s’envolent dans l’écriture. J’ai toujours été tenaillé entre la solitude d’endroits isolés et l’envie de vivre à Paris. Je suis le genre de mec qui s’en va au milieu d’une soirée et qui se dit ensuite : merde, je n’aurais pas dû partir, je suis en train de tout rater. J’ai une tendance éternel adolescent de ce côté-là. » Dernier ouvrage paru : La tête sous l’eau, éd. Robert Laffont.

Laure Prouvost, artiste

“Je pense à l’adolescenc­e (…). On découvre qu’on est seule au monde.” « Je pense à l’adolescenc­e, cette période où l’on se cherche, où l’on s'interroge sur qui l’on est, sur son futur. On découvre qu’on est seule au monde. J’ai eu un an ou deux, très seule, à mes débuts profession­nels, en Angleterre. Mais je crois beaucoup au travail pour l’évacuer en partie. En tant qu’artiste, on en a besoin. Elle nous entraîne dans le rêve et fait avancer nos idées. L’imaginatio­n fonctionne alors à fond. Il y a aussi la solitude des retraités, sur laquelle je compte travailler à Venise, en dialogue avec celle des ados – lorsque soudain vous vous retrouvez sans repère. J’ai travaillé sur un grand-père que j’imaginais creusant un tunnel jusqu’en Afrique, avant de disparaîtr­e, englouti par son projet. C’est l’idée parfaite de solitude assumée pour en faire quelque chose. » Exposition « You are my petrol, my drive, my dream, my exhaust », au Studio des Acacias by Mazarine. Laure Prouvost représente­ra la France à la biennale de Venise en 2019.

Roman Kolinka, comédien et restaurate­ur

“J’aime être seul au volant de ma voiture, quitter Uzès pour Paris.” « Je suis de nature solitaire, je suis parti m’installer à Uzès, à la campagne. J’aime m’isoler, la solitude ne me fait pas peur, souvent je peux me sentir seul même entouré de monde.

Je me sens proche de Gabriel, le personnage que je joue dans le film de Mia, qui a besoin de se retrouver seul après avoir vécu une épreuve difficile. Il part se ressourcer et tente de renaître en Inde. J’aime être seul au volant de ma voiture, quitter Uzès pour Paris, j’adore ces échappées en solitaire. Ma solitude s’arrête quand je ferme la porte de ma voiture et que je retrouve femme, enfants et animaux de compagnie… » Au cinéma dans Maya de Mia Hansen-Love (voir critique en pages cinéma).

Clara Luciani, chanteuse

“Je mesurais 1,76 m à 11 ans. (…) Les livres ont été longtemps mes seuls amis.” « J’ai été une enfant solitaire. J’étais différente des enfants de mon âge. Je mesurais 1,76 m à 11 ans. Les enfants sont un peu cruels avec qui ne leur ressemble pas, j’ai été mise de côté à l’école. Je me réfugiais dans la lecture. Les livres ont été longtemps mes seuls amis. Aujourd’hui, j’accepte beaucoup plus l’idée de solitude. Je pense que lorsqu’on exerce ce métier, il y a une forme de solitude qui est nécessaire. J’en ai en tout cas besoin pour travailler. Cela dit, il y a aussi une forme de solitude imposée, celle des tournées. On reçoit beaucoup d’amour pendant une heure, c’est très intense, mais ensuite on est seule dans sa chambre d’hôtel. Parfois, ça me pèse. Aussi, je passe beaucoup de temps au téléphone avec mes proches. Mes chansons parlent un peu de cela, notamment A crever : “Il ne reste que moi, que l’écho de ma voix…” Je n’ai jamais souffert de la solitude amoureuse. J’ai peur de vieillir seule, j’ai envie d’avoir quelqu’un qui m’accompagne. » Prix Double Dôme 2018 pour l'album Sainte

Victoire, le 12 avril à l’Olympia, Paris 9e.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France