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Le 22 avril 2014, Emily Spanton, Canadienne de 34 ans, suit des policiers pour une visite nocturne de leurs bureaux. Depuis, elle les poursuit pour viol. Mais que s’est-il passé ?

- Par Stéphanie Marteau

C’est une affaire singulière qui sera jugée à Paris, du 14 janvier au 2 février prochain. Une affaire qui dérange les institutio­ns. En cause, deux policiers du 36, quai des Orfèvres. Ce qu’on leur reproche ? Ils sont mis en examen dans l’enquête sur le viol présumé d’une touriste canadienne, Emily Spanton, dans les locaux mêmes de la police. En juillet 2016, les juges d’instructio­n avaient pourtant prononcé un non-lieu, après deux ans d’enquête. Mais le parquet de Paris et la jeune femme avaient fait appel. La cour d’appel a demandé que les deux fonctionna­ires, âgés de 39 et 48 ans, soient finalement jugés pour « viols en réunion ». Un rebondisse­ment, qui, selon les proches des fonctionna­ires, a « beaucoup secoué » ces policiers d’élite, membres de la prestigieu­se Brigade de recherche et d’interventi­on (BRI).

Pour Emily Spanton, 39 ans aujourd’hui, il s’agit d’une première victoire. « Elle n’a jamais menti, même si, à cause des troubles psychotrau­matiques, elle a une fois varié sur le nombre de ses agresseurs, qui étaient trois et non quatre », souligne son avocate, Maître Sophie Obadia. Selon son récit, la jeune femme, en vacances à Paris, avait passé la soirée du 22 avril 2014 au Galway, un pub irlandais situé près du mythique 36, quai des Orfèvres, l’ex-siège de la police judiciaire. La jeune femme est décrite d’un naturel extraverti, qualifié par les psychiatre­s canadiens qui l’ont rencontrée à son retour d’« over friendly », qui se lie très facilement. Ce soir-là, sous l’emprise de stupéfiant­s et après avoir partagé plusieurs bières et whiskys avec un groupe de policiers qui n’étaient pas en service, elle les a suivis pour une visite nocturne du 36. Elle en est ressortie à 2 heures du matin, en larmes, son collant et ses chaussures à la main, extrêmemen­t choquée, selon plusieurs témoins. Et a porté plainte pour viol. Lors de leur audition, le major N. R. a reconnu une relation « consentie » avec Emily Spanton dans son bureau, mais le capitaine de Police A. Q. a démenti tout rapport. Pourtant, des empreintes génétiques des deux fonctionna­ires ont été retrouvées sur les sous-vêtements de la jeune femme, ainsi qu’une troisième, inconnue. « Ma cliente était fortement alcoolisée, elle était en état de vulnérabil­ité. Elle se sentait en confiance parce qu’ils étaient policiers, elle ne pouvait pas imaginer que ça tourne mal », assure Maître Obadia. L’analyse des téléphones portables des suspects a fi ni d’affaiblir leur défense. Des vidéos et des SMS « explicites » ayant disparu des portables : « Viens vite, ca est une touzeuse » (sic), a notamment envoyé l’un d’eux à un collègue, qui n’avait pas effacé les messages échangés ce soir-là.

Préjudicia­ble en termes d’image

Fait rare : Emily Spanton a subi trentesix heures d’audition durant l’enquête. Ce qui témoigne de l’importance accordée au dossier. La juge d’instructio­n s’est même rendue au Canada pour effectuer certaines d’entre- elles. A la direction de la police judiciaire, on sait combien cette affaire, qui implique des membres d’un service d’élite, est « préjudicia­ble en termes d’image ». D’autant plus gênante que les deux fonctionna­ires mis en examen ont été réintégrés dans des services de police judiciaire, alors même que l’un d’entre eux a déjà été condamné en 2012 à un mois de prison avec sursis pour « menaces de mort réitérées ». « La procédure judiciaire ne leur interdit pas d’exercer, explique un responsabl­e de la PJ. L’administra­tion a donc obligation de les réintégrer. » En attendant le procès.

 ??  ?? Ci-contre : les locaux de la Brigade de recherche et d’interventi­on (BRI) au36, quai des Orfèvres. C’est de là qu’Emily Spanton est ressortie en larmes, collant et chaussures à la main, le 23 avril 2014, à 2 heures du matin.
Ci-contre : les locaux de la Brigade de recherche et d’interventi­on (BRI) au36, quai des Orfèvres. C’est de là qu’Emily Spanton est ressortie en larmes, collant et chaussures à la main, le 23 avril 2014, à 2 heures du matin.

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