Marie Claire

Dans le bureau de Patrizia Paterlini-Bréchot

Professeur­e de biologie cellulaire et d’oncologie, elle nous raconte son quotidien, entre opiniâtret­é, misogynie et tapis de course.

- Par Catherine Durand — Photo Elise Toïdé

—Que faites-vous en arrivant au bureau ? Je ne prends pas de café, rien. Je regarde mes mails.

—Que faites-vous pour tenir le coup ?

Je bois du thé et j’essaie de dormir au moins sept heures. Une gageure. Et un jogging tous les jours, vingt minutes sur mon tapis de course, chez moi.

—Où déjeunez-vous ?

A mon bureau : un oeuf dur, avec un fruit et un yaourt.

—Votre tenue de combat profession­nelle ? Le tailleur veste-pantalon. Et le rouge.

—Quelle est la place de votre vie privée ? Elle doit se caser dans l’ensemble des projets menés. Il faut se rappeler que l’on est ce que l’on est parce que des êtres aimés nous entourent. C’est important pour mon équilibre. Mes deux fils sont grands aujourd’hui, c’est plus facile. J’ai loué en face de l’hôpital Necker, où je travaille, pour optimiser le temps passé ensemble. Avant, je rentrais pour dîner avec eux.

—Pensez-vous, comme Sheryl Sandberg, que pour faire carrière il faut choisir le bon partenaire de vie ?

J’ai épousé un chercheur, clinicien et biologiste moléculair­e, j’étais venue d’Italie pour travailler avec lui. A ses yeux, c’était une évidence que je poursuive mes recherches.

—Avez-vous vécu la misogynie, le harcèlemen­t sexuel au travail ?

Oui, des misogynes qui vous considèren­t comme un être inférieur. J’ai aussi connu le harcèlemen­t sexuel, et j’ai subi un retour de bâton pour ne pas avoir cédé aux avances d’un homme puissant. Lettres anonymes à mon mari, calomnies auprès de mes collègues… Il a voulu bloquer ma carrière. Je me suis battue.

—Qu’est-ce qui vous fait peur dans le travail ?

De faire des choix qui se révèlent mauvais pour mon équipe.

—Profession­nellement, que ne supportez-vous pas que l’on dise de vous ?

Des choses fausses, dues à la jalousie, donc vite oubliées. Comme mon livre*, prétendume­nt écrit pour des raisons de marketing, alors que c’est l’éditrice qui m’a contactée.

—Un objet fétiche dans votre bureau ?

Le cadeau de mon assistante, une icône bulgare. Cela me rappelle que nous ne sommes pas que matière.

—En quoi êtes-vous la plus douée ?

J’ai toujours aimé la recherche scientifiq­ue, mais j’ai l’avantage de pouvoir identifier les recherches qui vont plus loin. Et j’aime écrire de la poésie – pas en italien, ma langue maternelle, mais en français. Chercheur et poète ont en commun la volonté d’aller au-delà de ce qui existe et de ce que l’on ressent.

—Le meilleur conseil profession­nel que l’on vous ait donné ?

Mon mari m’a appris à ne pas croire à l’impossible. Et le grand clinicien italien Mario Coppo, à ne pas soigner juste un organe mais l’être entier, avec ses peurs, ses défauts, son âme.

—Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir dans votre travail ?

Voir que nous faisons des micro-pas dans la bonne direction, c’est-à-dire réussir à faire baisser la mortalité par cancer. Et pouvoir se dire : « J’aurai fait tout mon possible. » (*) Tuer le cancer, éd. Le Livre de Poche.

Née à Reggio d’Emilie, en Italie, elle enseigne à l’université Paris-Descartes. Et dirige, à 64 ans, une équipe scienti que dédiée à la recherche sur le diagnostic précoce du cancer à l’aide du test ISET (isetbyrare­cells. com), dont elle est la co-inventeuse.

Plus d’informatio­ns sur la vie profession­nelle sur marieclair­e.fr rubrique MC@work

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