Marie Claire

La douceur vénéneuse de Lana Del Rey

Dans son quatrième album, la chanteuse new-yorkaise enchaîne les ballades sans mièvrerie grâce au regard acéré qu’elle porte sur l’époque.

- Par Charline Lecarpenti­er

Le prochain album de Lana Del Rey sera le quatrième album sous cet avatar (Lizzie Grant, son personnage de naissance, en avait déjà sorti deux). L’album s’appellera Norman Fucking Rockwell*, en référence au peintre qui avait comme elle un goût pour les portraits huilés de l’Amérique et les caricature­s délicates. Lana Del Rey est un personnage de sa propre galerie et soigne le rôle qu’elle s’assigne, d’icône pseudoimmo­bile et feutrée. Ce n’est pourtant pas forcément le coup de pinceau de Rockwell qui explique qu’elle lui rende cet honneur. Sur la webradio Beats 1, elle a ainsi expliqué vouloir dédier un titre à l’illustre illustrate­ur car il savait qu’il était un génie et ne se fatiguait pas de le répéter. « Je me retrouve souvent avec ce type de créatifs qui parlent encore et encore d’eux-mêmes et à qui je réponds “ouais ouais”. Mais ils ont aussi du mérite car ils sont souvent vraiment bons », ajoute-telle. On ignore si elle s’inclut parmi ceux-là, mais on est tenté de le croire. Invitée par Apple à teaser la sortie de cet album, elle s’est amusée de ne pas pouvoir en parler en raison de la stricte charte du géant du Web qui bannit assez hypocritem­ent les jurons.

Sous le romantisme bien verni

Lana Del Rey est bien peignée mais ne se prive pas d’une certaine vulgarité qui, sortie de sa fameuse bouche en coeur, n’en a que plus de piquant. Outre le nom de l’album, le premier extrait s’appelle Venice Bitch et dure 10 min, car le formatage pour les radios ne fait plus le poids en 2019 face à YouTube, tremplin initial de cette New-Yorkaise. C’est là, dans ses clips, qu’elle saisit le grain de notre époque et trouve comment nous happer dans ses chansons délavées. Avec ses clips filmés à la Super 8 tremblotan­te, Lana Del Rey tient son cahier des charges et continue son film sans happy end. Sur Mariners apartment complex et sa vidéo en noir et blanc, elle reprend le gouvernail de la chanson de marins à son avantage avec “I’m your man” : “Ils ont confondu ma gentilless­e pour de la faiblesse”, chante-t- elle. Avec le tout aussi nouveau titre Sylvia Plath, elle rend hommage à la poétesse américaine mélancoliq­ue et fatale, à qui Charlotte Gainsbourg avait aussi récemment payé son tribut. Lana Del Rey n’en est pas pour autant une simple femme de références réajustées. Son sens de l’humour grinçant et son engagement passent par les réseaux sociaux, ils l’étoffent, la placent sur notre frise du temps. Elle sort ainsi souvent les griffes face à Trump en particulie­r, ce qui, en soit, est un travail à temps plein. Lana oblige à gratter sous la couche du romantisme bien verni et tout ce qui l’encadre donne à chaque album un peu plus de perspectiv­e à sa musique.

(*) Polydor.

 ??  ?? Lana Del Rey, dans le clip de Mariners apartment complex.
Lana Del Rey, dans le clip de Mariners apartment complex.
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