Marie Claire

Ce que le congé de paternité a changé dans leur vie

Quatre femmes et leurs compagnons nous racontent comment être deux à s’occuper d’un enfant a modifié leur quotidien, leur intimité et leurs priorités.

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Alexandra : « Quand Joseph est né, Clément était directeur général et moi chef d’entreprise, donc on était autonomes et on a ajusté nos plannings. Clément a vite repris le travail, j’étais assez contente d’avoir ce petit tête-à-tête avec mon fils, je n’ai pas eu de frustratio­n. Mais j’ai eu le sentiment que Clément ne savait pas trop comment rentrer dans cette histoire, parce qu’au début avec un bébé, c’est assez animal et sensoriel. Si les hommes sont là par petits bouts, ils mettent plus de temps à créer les liens, alors que Clément est un père super-impliqué. J’ai retravaill­é deux mois après sa naissance mais le pli des nuits était pris, j’ai continué à me lever. Le congé de paternité entre dans cette logique d’égalité où ce n’est pas la mère qui pourvoit à tous les besoins de l’enfant. Maintenant que Clément ne travaille pas, j’ai lâché plein de trucs que je faisais en me plaignant. C’est reposant psychologi­quement, même si le vide qui remplace la charge mentale, il faut aussi le gérer. »

Clément : « Après la naissance, j’ai vite repris le travail, je rentrais tôt. On a fait 50-50 pour les couches, les biberons, mais Alexandra faisait les nuits (elle allaitait). Six mois après la naissance, elle m’a dit : “C’est bien que tu commences à te connecter avec ton fils.” Depuis un an et demi, je fais une pause profession­nelle. Je m’occupe des courses, médecin, sortie d’école. Ça rééquilibr­e la charge mentale avec Alex. La relation privilégié­e entre la mère et le bébé perdure parce qu’on empêche les pères d’être présents les premières semaines. Leur permettre de passer un mois de congé en famille, ça ferait du bien à la santé mentale de la société. »

Alexandra “J’ai lâché plein de trucs que je faisais en me plaignant.”

Amandine, 35 ans, responsabl­e de programmat­ion artistique, et Clément, 34 ans, réalisateu­r, parents de Tommie, 3 mois

Amandine : « Je suis consciente que c’est un énorme luxe que Clément prenne trois mois. Ce sont des moments tellement forts. Et puis je n’ai pas réussi à allaiter, et ça m’a déculpabil­isée de voir Clément lui donner le biberon. Du coup il s’en occupe vraiment à 50 %. Je n’ai pas d’élément de comparaiso­n mais toutes mes copines me disent que c’est une chance. Si le père va retravaill­er tout de suite, la femme peut vite se poser en donneuse de leçon et devenir la femme qu’elle n’a pas envie d’être, la mère de famille qui donne les règles de l’éducation. Cela me donne aussi le temps de prendre soin de moi, pour se plaire, être un couple. »

Clément : « Cela fait quatre ans qu’on voulait un enfant, dont deux ans de PMA, donc j’avais envie de bien profiter de la naissance de ma fille. Normalemen­t je passe six mois de l’année à l’étranger pour le travail, alors je me suis organisé pour prendre trois des six mois qui restent pour être là. Ce congé est très intense et épuisant, mais ce que tu vis en couple est aussi hyper-intense, tu te découvres dans l’adversité, j’ai l’impression de planter les fondements de nos futures décennies ensemble. Je pensais que les nourrisson­s ne m’intéressai­ent pas, j’ai découvert que c’est trop kiffant, les premiers sourires, les évolutions, ça me donne beaucoup d’énergie. Et je découvre que je suis capable de gérer ma fille à 100 %, c’est assez cool. Je voulais aussi être là pour libérer Amandine et justement, on se relaie, parce que c’est bien de sortir un peu de la maison. Et je voulais aussi ne pas donner 100 % des rênes, qu’on pose les bases avec le bébé ensemble. Et cela donne le temps de faire l’amour, parce que ce n’est pas des vacances, et si tu ne te vois que le soir à l’heure où ta femme et ton bébé sont épuisés, tu n’as pas beaucoup d’occasions. »

“Je n’ai pas réussi à allaiter, et ça m’a déculpabil­isée de voir Clément lui donner le biberon.” Amandine

Domytile, 42 ans, directrice générale adjointe d’une chocolater­ie, et Vianney, 42 ans, cofondateu­r et codirecteu­r d’une agence d’évènementi­el, parents de Margot, 12 ans, Rose, 9 ans, et Jeanne, 5 ans

Domytile : « Quand Margot est née, c’était la totale inconnue pour moi. Vianney, ultra-présent à l’hôpital, a vite pris son congé paternité, ce qui m’a soulagée, j’étais stressée. J’ai allaité mais le congé de paternité préfigure que tu vas reprendre le travail. Pour Jeanne, il s’en est occupé et ça a été génial d’avoir plus de moments ensemble, et pour moi, c’était une parenthèse enchantée d’aller chercher les filles sans avoir à s’occuper du bébé. La cellule familiale est mise à mal dans cette vie urbaine. Le congé paternité, c’est un congé pour toute la famille. C’est une petite révolution que tout ne repose pas sur la mère. »

Vianney : « J’ai pris mes trois congés de paternité, la question ne s’est même pas posée. La naissance n’est plus considérée comme affaire de femme mais de couple, mais en fait quinze jours ce n’est rien. Pour notre troisième fille, j’étais en train de quitter un travail après un burn-out, le congé de paternité est devenu congé tout court, et j’ai passé beaucoup de temps avec elle. J’ai recommencé à travailler en indépendan­t, et je faisais tous mes rendez-vous de travail avec elle en écharpe. Je l’imposais, on l’acceptait mais je suis sûr qu’on l’aurait moins accepté de la part d’une femme. Une des expérience­s les plus douloureus­es du salariat est qu’il te sépare de tes enfants. Le congé de paternité n’est pas un luxe. J’adore m’occuper d’un enfant, mais quand tu travailles, c’est plus du travail que du soin. Cette expérience m’a fait comprendre que les femmes portent encore 90 % du travail d’éducation au quotidien. »

Sonia, 45 ans, secrétaire, et Vincent, 46 ans, responsabl­e de magasin, parents de Maxime, 18 ans, Maïténa, 16 ans, et Solène, 13 ans

Sonia : « Quand les enfants sont nés, les rôles et les tâches étaient partagés naturellem­ent entre nous, sauf la nourriture parce que j’allaitais. Ça m’a beaucoup aidée. Entre les naissances de Maïténa et Solène, j’ai pris un congé parental de cinq ans. A la fin, je n’en pouvais plus d’être seule à la maison, ma vie tournait autour des couches, des biberons, des “areuh”… Je me sentais moins intéressan­te par rapport à Vincent. J’ai eu besoin de retrouver le monde des adultes. Vincent a pris la relève avec un congé parental d’un an. J’ai repris mon travail, les relations de travail, je rentrais le soir moins stressée par les tâches ménagères, ça faisait beaucoup de bien. J’ai repris plus de plaisir à être avec mes enfants. »

Vincent : « Pour Maxime, le congé de paternité n’existait pas, il fallait allier les deux, le travail et se dépêcher à la maison. Pour Maïtena, je l’ai pris. J’ai organisé la chambre et expliqué à Maxime qu’on n’allait pas l’oublier. Pour Solène, Sonia avait besoin de retravaill­er et je me disais : “Ce n’est pas logique de faire trois enfants sans leur consacrer de temps.” Ça a été un peu injuste pour Sonia. Quand elle a dit : “Tu vas avoir le ménage et les vacances à organiser”, j’ai répondu : “Pas de problème, je prends une femme de ménage et on va à Center Parcs.” Elle a dit : “T’es gonflé”, car avant je refusais une femme de ménage… Financière­ment, c’est un petit sacrifice, mais on a eu autre chose que l’argent : du temps ensemble. »

Sonia “C’était une parenthèse enchantée d’aller chercher les filles sans avoir à s’occuper du bébé.” “Vincent a pris la relève avec un congé parental d’un an. J’ai repris mon travail (…), ça faisait beaucoup de bien.” Domytile

 ??  ?? Alexandra, 40 ans, chef d’entreprise en stratégie de marque, et Clément, 44 ans, sans emploi, parents de Joseph, 5 ans
Alexandra, 40 ans, chef d’entreprise en stratégie de marque, et Clément, 44 ans, sans emploi, parents de Joseph, 5 ans
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