Marie Claire

Ma mère, ce chaos

Clémentine Autain, par ailleurs députée ( 1), publie un récit (2) poignant et lumineux sur sa mère, la comédienne Dominique Laffin, égérie du cinéma d’auteur des années 80 retrouvée morte à 33 ans.

- Par Gilles Chenaille

Eros et Thanatos sont les dieux de son enfance. Ceux que lui aura fait côtoyer sa mère adorée de tous dans une vie de liberté sexuelle et de créativité artistique, et une dérive alcoolique se terminant par la mort dans sa baignoire. Clémentine Autain lui en a longtemps voulu de ces moments où elle la laissait à droite et à gauche, ou toute seule, et de cet abandon prématuré. Dans Dites-lui que je l’aime, la pasionaria politique surmonte enfin cette tragédie privée jusqu’alors enfermée dans le placard verrouillé de sa mémoire.

Un météore fragile

Après un premier film de Claude Miller en 1977 (avec Depardieu pour partenaire), dont le titre inspirera celui du livre, elle tourne pour Jacques Doillon, Catherine Breillat, mais aussi Robert Enrico, Claude Sautet… Météore inoubliabl­e, sa fragilité et son grain de folie douce ont illuminé – et blessé – l’enfance de Clémentine Autain. Jusqu’à ce que son coeur lâche en 1985. Suicide ? Un doute que sa fille n’arrive toujours pas à chasser.

Une féministe radicale

Très à gauche et féministe, sa mère était sympathisa­nte d’une branche radicale du MLF. Clémentine se rappelle : « Tu es quand même cette femme qui avait jeté son verre à la tête d’Alain Delon dans une soirée. Il avait tenu un propos sexiste, tu lui avais balancé le verre à la tête – et pas seulement l’alcool, tout le verre. »

Une amoureuse libre

Les scènes d’amour se déroulent hors- champ, mais se lisent – peut- être – entre les mots que nous confie Clémentine Autain au sujet de sa mère : « Je n’ai jamais eu accès à l’intimité de sa sexualité, au sens de ce qu’elle ressentait et vivait. Elle a eu de nombreuses aventures et histoires sentimenta­les mais cela ne dit rien, ou presque, de sa sexualité. Au passage, je trouve profondéme­nt injuste l’appréciati­on qui est accolée à cette forme de liberté sexuelle. Chez un homme, c’est positif, le Don Juan est valorisé. Chez une femme, la morale réprouve et y voit négativeme­nt la nymphomane… »

1. La France insoumise.

2. Dites-lui que je l’aime, éd. Grasset. Dominique Laf n, en 1977, l’année de son premier lm, avec Claude Miller.

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