Marie Claire

Les mots bleus de Keren Ann

L’auteure, chanteuse et compositri­ce revient au français pour son huitième album*. Où le bleu devient une couleur chaude, comme elle nous le confie.

- Par Charline Lecarpenti­er

Une couleur que l’on ressent

« Je dis plus souvent “j’ai le blues” que “je suis déprimée”. Le blues, c’est quelque chose qui passe et qu’on accepte car on sait que c’est temporaire, éphémère. L’album s’appelle Bleue car c’est une couleur qu’on n’a pas besoin de visionner, elle se ressent. Ça peut être l’eau, le bleu sur la peau. Bleue est au féminin car le féminin a d’instinct un aspect non-violent, tout est dans l’émotion. »

Ni un rôle ni un sport

« J’aime avoir la voix la plus naturelle possible, je déteste quelqu’un qui rend la sienne rauque. Billie Holiday ou Chet Baker n’ont jamais essayé de se dénaturer et leur émotion passait énormément. J’aime raconter d’une manière pure et authentiqu­e, car chanter, ce n’est pas un rôle. Mon école de chant en français, ce sont des artistes qui avaient compris que la voix était leur instrument. Je pense à Gainsbourg, Montand, Trenet, Bourvil, des gens qui n’ont jamais essayé d’être sportifs avec la leur. »

Ma vie parisienne

« J’ai plutôt chanté en anglais du fait de mon environnem­ent anglo-saxon, étant toujours entre Paris et New York. Mais j’écrivais en français pour les autres. Depuis trois ans, j’ai repris ma vie parisienne. Ma fille est scolarisée à Paris, et mon quotidien se passe en français. »

Des cailloux dans les poches

« Sur Bleue, je voulais des éléments d’eau et de ville. J’ai relu Les Vagues de Virginia Woolf et me suis rendu compte que je me sentais très proche d’elle. J’ai réalisé le clip du titre Sous l’eau, dans lequel je raconte l’histoire de son dernier jour quand elle a quitté sa maison. Elle est allée à la rivière, est entrée dans l’eau et s’est laissé emporter, avec des cailloux dans les poches. »

Entrer dans une spirale

« Je n’ai jamais fait partie de ceux qui souffrent quand ils écrivent. En revanche, l’écriture de Virginia Woolf, sur le côté rigoureux et frénétique, me parle beaucoup. La concentrat­ion, le focus, peut être une sorte de stress laborieux pour l’auteur. Je me retrouve vraiment pendant mes périodes d’écriture, comme lorsqu’on entreprend une histoire avec quelqu’un et qu’on entre dans une spirale. »

Sembler très lisse

« Un album comme Bleue peut s’écouter de loin et sembler très lisse mais c’est aussi ce qui me touche dans l’écriture. On peut lire des vers de poésie qui sont agréables et marchent bien rythmiquem­ent mais quand on entre dedans, il y a des couches de vie et de sang. »

(*) (Polydor/Universal), sortie le 15 mars.

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