L’objet choisi de Laure Adler : son tube de Biafine
La journaliste* et écrivaine ne se sépare pas de son « doudou sentimental » aux vertus réparatrices et au parfum d’enfance.
« Je suis née en Afrique, où j’ai habité jusqu’à 17 ans. J’ai eu la chance de vivre en Guinée, puis en Côte d’Ivoire, comme une enfant très libre qui passait son temps sur la plage à sauter dans les vagues, sans se protéger. Je fais partie d’une génération qui ne s’encombrait pas, parce qu’elle ne les connaissait pas, des méfaits du soleil. Quand on a découvert les dégâts qu’il causait, j’ai conservé la même insolence. Adolescente et toute jeune femme, j’appartenais à cette génération “sea, sex and sun”, comme dans la chanson de Gainsbourg, qui voulait être la plus noire, la plus cramée possible. J’ai quitté l’Afrique et j’ai continué à m’exposer, sans protection, tous les étés à Saint-Tropez. Lorsque ça brûlait vraiment, j’appliquais la vieille méthode de ma mère : j’achetais chez le pharmacien ces tubes de Biafine cachés dans les rayons où personne n’allait. Je rattrapais ma liaison dangereuse avec le soleil grâce à cette recette médicinale. Je pensais qu’en mettant une, deux, trois, quatre, cinq, voire six à huit couches de Biafine, ma peau allait complètement se réparer. Et ça marchait. Mais le soleil, divinité pourtant ô combien adorée, s’est vengé. A un moment, je n’ai plus pu le supporter. Il est devenu mon pire ennemi. De brune sauvageonne au teint hâlé, je suis devenue fausse blonde au teint clair. Si, aujourd’hui, je pars toujours en vacances dans des endroits ensoleillés, je marche et nage seulement au soleil levant ou couchant. Cela m’amuse beaucoup que la Biafine, mon doudou sentimental, avant considéré comme un médicament plutôt qu’un produit de beauté, soit devenue à la mode. J’ai remarqué que les jeunes femmes un peu branchées en avaient toujours dans leur salle de bain. Pareil pour les garçons dans leur trousse de toilette. Cela s’explique par ses nombreuses qualités. Très fluide, elle n’a pas d’odeur – même si je trouve qu’elle sent l’enfance. Pas liquide, vous pouvez l’emporter partout sans vous faire emmerder par les douaniers dans les aéroports. Elle est à la fois pratique et très économique. Je l’utilise d’ailleurs aujourd’hui pour un tas de choses : en démaquillant, en crème de jour, en crème de nuit, en crème de massage depuis la naissance de mes petits- enfants. Je suis une adepte de la natation et comme le chlore de la piscine municipale assèche terriblement la peau, dans mon petit sac, j’ai toujours mon tube pour enlever l’odeur et protéger mes mains. Il n’y a que les gâteaux à la Biafine que je n’ai pas essayés. Il faudrait peut- être que je les tente. »
(*) L’heure bleue, sur France Inter, du lundi au vendredi, de 20 h à 21 h.