Marie Claire

Idées claires

Qu’ils en parlent comme d’une libération ou qu’ils en aient la phobie, nos invités ont eu le courage d’affronter la question.

- Par Fabrice Gaignault — Illustrati­ons Alexandra Compain-Tissier

Marcela Iacub, écrivaine et essayiste “Vomir est un acte de résistance lorsqu’on ne peut pas digérer quelque chose, quelqu’un”

« Je ne vomis jamais, je ne pleure jamais, alors ne comptez pas sur moi pour vous parler du vomissemen­t au sens littéral. En revanche, le sens métaphoriq­ue m’intéresse. C’est un mot très fort. J’ai l’impression que vomir est un acte de résistance lorsqu’on ne peut pas digérer quelque chose, quelqu’un. C’est la réalité qui ne passe pas et donc une manière de protester. Pour cela, le concept me plaît. Rien n’est plus horrible que de ne pas vomir une réalité qui n’est pas supportabl­e. Il y a des gens qui vomissent littéralem­ent parce qu’ils ne supportent pas quelque chose qu’ils ont entendu. En ce cas, un concept métaphoriq­ue peut se transforme­r en acte réel. Par résistance. On devrait pouvoir vomir davantage, devenir des “vomissaire­s”. Il y a quelque chose qui est lié à la dignité humaine avec le vomissemen­t, une manière de rendre la monnaie de sa pièce à quelque chose d’intolérabl­e. Le paradoxe du vomissemen­t. » Dernier ouvrage paru : Scandale à la porcherie (éd. Michalon).

Vincent Darré, décorateur et designer “Je dégueulais discrèteme­nt et reprenais la conversati­on”

« Il y a une dizaine d’années, en sortant d’une fête très alcoolisée, j’ai dit au chauffeur de taxi que j’avais envie de vomir et il m’a éjecté sur le trottoir. Je me suis retrouvé à traverser Paris en m’arrêtant sous chaque porche pour dégobiller. A une époque, j’étais tellement habitué à avoir la nausée après le verre de trop que lorsque je parlais à des amis, je me retournais, dégueulais discrèteme­nt et reprenais la conversati­on là où je l’avais laissée. Une nuit, une amie très chic a eu pitié de mon état et m’a raccompagn­é. Lorsque je me suis assis dans sa voiture, je me suis aperçu que j’avais du vomi jusqu’aux genoux. Ça puait, une honte ! Je trouve en définitive le vomissemen­t salvateur. Il ne faut jamais garder dans son ventre ce que l’on ne supporte pas. Il vaut mieux tout recracher, sinon ça donne des aigreurs d’estomac. » Dernier ouvrage paru : Intérieurs surréalist­es (éd. Rizzoli).

Alice Isaaz, comédienne “Le vomissemen­t au cinéma, c’est quelque chose d’hyper-intime, presque autant que de tourner nue”

« J’ai longtemps été phobique du vomissemen­t. Dans les soirées, j’avais la hantise de me retrouver devant un copain malade. C’est une peur qui s’est heureuseme­nt dissipée. Quand vous vous retrouvez à côté d’un proche malade, vous n’avez pas d’autre choix que de faire front. Ça m’est arrivé en gardant ma petite nièce de 2 ans et demi. Elle a eu une gastro et je me suis retrouvée seule en première ligne pour nettoyer. Récemment, j’ai tourné une scène de vomi dans Play, le prochain film d’Anthony Marciano. Les accessoiri­stes avaient préparé une mixture de jus, de biscuits et de compote, ça n’était pas mauvais au goût mais pas agréable pour autant. Pour moi, le vomissemen­t au cinéma est quelque chose d’hyperintim­e, presque autant que de tourner nue. Je peux aussi avoir la nausée avant des castings spécialeme­nt stressants. Ça m’est arrivé avant mes essais pour le prochain film de Spike Lee, en sa présence. Autant vous dire que j’ai dû gérer un sacré stress. » Le mystère Henri Pick de Rémy Besançon, en salles.

Yann Couvreur, chef pâtissier

“Je me suis fait retirer la vésicule biliaire, donc je dois faire très attention à ce que je mange”

« J’ai toujours échappé à ce syndrome. Etre enclin aux vomissemen­ts et nausées serait compliqué avec mon métier. Je me suis fait retirer la vésicule biliaire donc je dois faire très attention à ce que je mange, je sature plus vite avec le gras. Comme je veux être percutant par le goût sans trop d’ajout de sucre, mes gâteaux ne sont pas sujets à l’écoeuremen­t. Et je n’ai jamais reçu de réclamatio­ns de clients malades. Je fais attention à la quantité de beurre car il peut vite devenir peu digeste. J’ai par exemple adapté le kouign-amann. Je l’ai rendu plus feuilleté, léger, et croustilla­nt avec une farine de blé noir. Réaliser une pâtisserie dont la légèreté ne sacrifie rien au goût est l’une de mes préoccupat­ions majeures. C’est ce que réclame la clientèle parisienne, l’une des plus exigeantes au monde. » Ouverture de sa troisième adresse, au Lafayette Gourmet, Paris 9e.

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