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Elle a changé de coiffure pour abandonner son image de femme traditionnelle, mais n’a pas perdu sa ténacité. L’ancienne égérie de la révolution orange se présente pour la troisième fois à la présidentielle ukrainienne.
« Nous entrons dans une nouvelle époque de succès, de bonheur et de prospérité. » En prononçant ces mots le 22 janvier à Kiev lors d’un meeting, Ioulia Timochenko, ancienne égérie de la révolution orange, entrait surtout officiellement dans la course à la présidence ukrainienne. Le 31 mars, elle se présentera pour la troisième fois à cette élection. Une candidature attendue… Depuis des mois elle multiplie les spots télévisés invitant les Ukrainiens à la rejoindre afin de « construire un Etat européen fort ». Mais sans sa fameuse tresse, dont elle s’est débarrassée.
Fini l’image traditionnelle et rurale qu’elle cherchait à renvoyer, l’ancienne prisonnière politique veut apparaître en femme d’expérience d’allure occidentale. Ses cheveux sont désormais très souvent lâchés. A 58 ans, l’histoire de cette femme pourrait être celle d’un roman bien ficelé. Pour les uns elle est charismatique, porteuse d’espoir, pour les autres populiste, opportuniste, sulfureuse. Elle a été femme d’affaires, ministre. Elle a connu les ors du pouvoir, puis le froid glacial des geôles de son pays. Elle a été soupçonnée d’avoir commandité un assassinat. Elle s’est mariée à un cadre du parti communiste avant d’ouvrir un vidéoclub… Puis a profité de la chute de l’URSS pour s’immiscer dans l’industrie du gaz et devenir immensément riche. On la surnommait « la princesse du gaz ». Elle finira par tout perdre. Sauf sa volonté farouche de ne jamais se laisser faire. Aujourd’hui elle se pose en recours crédible, telle une mère bienveillante soucieuse des classes populaires qui souffrent notamment d’une augmentation des prix du gaz imposée au gouvernement ukrainien par le FMI. Elle promet une hausse du salaire minimum et des prestations sociales, mais aussi « une nouvelle constitution qui éliminerait le système oligarchique, la corruption et le non-respect de la loi ». Une déclaration de bonnes intentions habituelle dans un pays où la corruption apparaît consubstantielle au pouvoir. « C’est du pur populisme, considère la sociologue Anna Colin Lebedev. Elle n’a en fait aucun programme et se contente d’être une opposante du président pour cette élection. » Un président qui a déçu son pays.
Telle une héroïne médiévale
Le scrutin s’annonce toutefois incertain, avec un duel prévu entre le sortant Petro Porochenko, qui s’affiche en chef viril de l’armée, Volodymyr Zelensky, le comédien trouble-fête, et Ioulia Timochenko, qui revendique sa capacité à diriger un pays en guerre en se comparant à Olga de Kiev, héroïne de l’Ukraine médiévale. Mais l’élément clé sera la grande majorité d’indécis. Peut-être aussi un certain fatalisme, car comme le souligne la politilogue Alexandra Goujon, « en Ukraine, ce ne sont pas les élections qui créent le changement ». Et l’élection, ajoute Anna Colin Lebedev, « ne se gagnera pas sur les programmes mais sur les personnalités ». La candidate reconnaît avoir « fait des erreurs » et promet de mener l’Ukraine « vers sa grandeur » . A la veille d’une élection où 44 prétendants s’apprêtent à s’affronter, Ioulia Timochenko reste, dans ce scrutin encore très indécis, une favorite.