Peut-on se fier aux étiquettes des produits de beauté ?
Si les listes de composants sont de moins en moins opaques, grâce, notamment, aux applis de décryptage, faut-il boycotter tous les produits contenant des molécules à risque ? Nos pistes pour y voir plus clair.
Les ingrédients de nos crèmes et parfums sont régulièrement accusés d’être nocifs pour notre santé et l’arrivée récente des applis de décryptage, comme Yuka, QuelCosmetic, Clean Beauty ou encore INCI Beauty, n’apaise pas vraiment cette nouvelle « cosmétophobie ». « Aider les consommateurs à mieux comprendre ce qu’ils appliquent sur leur peau et inciter les marques à revoir leurs formules va dans le bon sens. Mais dans la pratique, ce n’est pas encore au point », estime Marine Pentecôte, chargée de communication chez Cosmébio, le label bio créé en 2002. Un avis partagé par une grande partie du secteur. « Il est légitime que le consommateur s’interroge. Mais ces services ne sont aujourd’hui pas assez performants au regard des enjeux que cela représente pour la réputation des produits », estime Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires de la Fédération des entreprises de la beauté (Febea). Il convient avant tout de rappeler que la cosmétique est un secteur très surveillé, la réglementation européenne étant la plus sévère au monde. « On vante souvent les marques
américaines mais, là-bas, la législation protège le business, pas les consommateurs » , souligne Edouard Mauvais-Jarvis, directeur de l’environnement et de la communication scientifique Dior. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas du côté des applis ? D’un point de vue technique d’abord, la reconnaissance des ingrédients des formules est sujette aux erreurs (inexactitude et manque d’actualisation des bases de données notamment). Selon la Febea, sur les huit cent mille produits cosmétiques sur le marché en Europe, un tiers change de formule tous les ans. Pas facile de suivre. Ensuite, comment classer les ingrédients selon leur risque supposé pour la santé ? « Les méthodes d’évaluation sont très complexes. Chez Cosmébio, nous faisons intervenir une pluralité de points de vue avant de décider de valider ou non un ingrédient. Il faut tenir compte de l’usage, des doses. Ces applis doivent s’entourer d’équipes d’experts car elles livrent aux consommateurs des informations qui ne sont pas toujours les bonnes », estime Marine Pentecôte. Un même produit peut ainsi recevoir des notations différentes d’une appli à l’autre. Yuka, par exemple, revendique un jugement très dur, tout ingrédient plus ou moins suspect étant classé à risque. Parfois à tort. Certains sont ainsi injustement diabolisés, comme le phénoxyéthanol, classé dans les perturbateurs endocriniens, alors qu’aucune étude n’en fait état. Avant de boycotter tous les produits notés orange ou rouge, il est essentiel de regarder quels ingrédients sont mis en cause.
Les solaires souvent notées rouge
La cosmétologue et consultante Sophie Strobel pointe par exemple le sujet brûlant des solaires, souvent notées rouge en raison de la présence de certains fi ltres – voir « Les molécules à surveiller», ci-dessus –, alors que dans la balance bénéfices-risques, mieux vaut profiter du soleil bien protégée, même avec un produit pas garanti zéro risque, que de s’exposer peau nue et risquer un cancer de la peau. QuelCosmetic propose aujourd’hui une notation plus didactique et fiable en modérant le risque en fonction de l’utilisateur (moins de 3 ans, enfant, femme enceinte ou adulte) et en distinguant le cas des allergènes des autres ingrédients, les isolant de façon facilement lisible. Un allergène n’étant gênant que pour quelqu’un d’allergique, pas besoin de classer orange ou rouge tous les produits en contenant. Si on peut améliorer la qualité des produits que l’on applique sur sa peau en pistant certains ingrédients, il convient de ne pas sombrer dans la psychose : aucun produit de beauté ne nuira gravement à votre santé.
Là où la cosmétique peut avoir un fort impact négatif et se doit de progresser, c’est au niveau de l’écologie. Or, aucune appli ne prend aujourd’hui en compte cet aspect environnemental, contrairement aux certifications biologiques, qui écartent les ingrédients jugés douteux pour la peau mais aussi pour la planète.
(*) Plus un ingrédient arrive en tête de liste, plus sa concentration est forte.