Marie Claire

Netflix, le musée vivant des cultures pop

De “Stranger things” à “Sex education”, les production­s du géant du streaming fixent les souvenirs du public dans un passé fantasmé où se déploient des thématique­s actuelles. Décryptage.

- Par Vincent Cocquebert

« Nous vivons dans une époque où la culture populaire est devenue obsédée par le rétro. Les années 2000 ne sont pas les années 2000 : elles sont toutes les décennies précédente­s à la fois. » Ces phrases, tirées de l’ouvrage de Simon Reynolds Rétromania paru en 2012, corres

(1) pondent en tout point au cahier des charges esthétique développé par Netflix à travers ses séries stars. De la saison 3 de Stranger things à Derry girls en passant par Glow ou The umbrella academy, on n’a jamais vu autant de fictions nous replonger dans un passé aux airs de madeleine de Proust pop. Comme si le présent n’avait finalement qu’un intérêt romanesque limité. « Parmi les voix d’accès à cette quête d’authentici­té qu’on observe, figure le retour vers le passé, qui est jugé plus vrai et plus rassurant que le présent », analyse l’essayiste Jean-Laurent Cassely, auteur du récent No fake 2). Avec

( les années 80 et 90 comme horizon indépassab­le, Netflix touche ainsi le coeur des plus jeunes publics en jouant sur une étrange nostalgie d’un passé que l’on n’a pas vécu, à l’image de Everything sucks ou de Girlboss. « Les années 80 étaient il y a encore peu considérée­s comme une décennie ratée, artificiel­le et superficie­lle, mais la génération née dans les années 90 et après les envisage de plus en plus comme du patrimoine », confirme-t-il.

Une vision du monde idéal

Plus étonnant encore est la façon dont la plateforme dessine les contours d’un nouveau monde, dans une étrange faille spatio-temporelle où s’entremêlen­t smartphone­s, références rétro et thématique­s sociétales actuelles (féministes, LGBT+, etc.). « C’est une vision du monde idéale selon ses producteur­s. En cela, Netflix a compris que le fake suscitait plus d’audience que la fidélité historique. Ses dernières séries, comme Les nouvelles aventures de Sabrina ou Sex education, façonnent un grand musée des styles de vie, des cultures pop et des traditions, dont les collection­s sont à la fois totalement identifiab­les et indatables. » Avec l’avantage pour ce vintage fictionnel de ne pas risquer de prendre un léger coup de vieux. 1. Ed. Le mot et le reste. 2. Ed. Arkhé.

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Things (2019), où la mythologie du contremond­e se déploie dans les terreurs enfantines.
L’épisode 9 de la saison 3 de Stranger Things (2019), où la mythologie du contremond­e se déploie dans les terreurs enfantines.

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