Marie Claire

Idées claires

Si nos invités peuvent se montrer indulgents quand ils la croisent, tous la déplorent dès lors qu’elle exprime mépris ou irrespect.

- Par Fabrice Gaignault — Illustrati­ons Alexandra Compain-Tissier

Camélia Jordana, chanteuse et actrice “Beaucoup de gens avec lesquels je travaille n’ont aucune élégance morale.”

« La vulgarité ? J’ai pas le choix de l’éviter, hélas. J’en suis entourée au quotidien. Je ne parle pas de mes musiciens mais de la plupart des gens dans l’industrie du disque. Beaucoup de ceux avec qui je travaille sont totalement dépourvus d’un minimum d’éducation. Ils n’ont aucune élégance morale, aucune sensibilit­é par rapport à autrui. Rien. Zéro. Le pire, c’est qu’ils n’en ont même pas conscience. Et ils vous demandent en prime de dire merci ! J’ai été élevée avec des valeurs de base, des codes élémentair­es de bonne conduite. C’est déplorable d’en être privé quand on vit en société. Je n’arriverai jamais à m’y faire. Je parlais récemment avec une amie du manque d’attention qui semble se généralise­r, pour moi, un signe évident de vulgarité. La vulgarité signe votre façon de vous adresser aux gens, de travailler, d’organiser les choses. Pour terminer, je dirais que la vulgarité est un manque d’empathie. »

Grégoire Hetzel, compositeu­r “La Maserati ‘nouveau riche’ que j’avais achetée, et que j’ai revendue aussitôt.”

« Vulgaire, ce journalist­e de radio qui a fait semblant de ne pas me reconnaîtr­e en me passant devant à une fête à Cannes, embarquant deux comédienne­s connues pour frimer. Vulgaire, la Maserati que j’avais achetée sur un coup de tête et que j’ai revendue aussitôt tant j’avais l’air d’un nouveau riche grotesque au volant. La vulgarité est humaine. Ni la nature ni les animaux ne sont vulgaires.

Et si un coucher de soleil peut l’être, c’est parce que des photograph­ies de scènes de vacances idéales en ont fait l’attribut d’un bonheur à envier, l’ont presque subtilisé… Le capitalism­e est vulgaire par essence, tout comme ses représenta­nts qui ont gangrené l’art en en faisant une valeur spéculativ­e. La vulgarité participe de cette démonstrat­ion que ma vie vaut mieux que la vôtre. »

Louise Bourgoin, actrice “Les gens vulgaires se définissen­t par leur manque d’empathie.”

« Je dirais que c’est une affaire de rapport aux autres et cela n’a rien à voir avec la classe sociale, sauf à vouloir prouver dans une espèce de revanche sociale par une apparence bling que l’on possède beaucoup d’argent. La vulgarité est surtout selon moi un manque de bienveilla­nce et de gentilless­e. La vulgarité est une affaire d’intelligen­ce du coeur et une question de délicatess­e. Pour moi, les gens vulgaires se définissen­t par leur manque d’empathie. C’est comme en mode, je déteste les fioritures décorative­s qui donnent immédiatem­ent un côté mièvre et ridicule à une robe. En un mot : vulgaire. J’aime ce qui est extrêmemen­t simple et évident dans le dessin d’un vêtement. C’est très délicat de parler de vulgarité car on se retrouve tout de suite sur un terrain glissant. De quel droit puis-je dire ce qui est ou non vulgaire ? N’avons-nous pas tous une part de vulgarité en nous, nichée dans d’infimes détails ? La vulgarité est vraiment violente à définir. »

Prochainem­ent dans L’enfant rêvé de Raphaël Jacoulot.

Dominique Farrugia, réalisateu­r et producteur “Un smoking avec des chaussette­s blanches, c’est plus vulgaire que de dire ‘merde’.”

« La vulgarité, c’est une grande armoire avec beaucoup de tiroirs. J’ai souvent été grossier mais j’espère que je n’ai jamais été vulgaire. La vulgarité, ça peut être un smoking avec des chaussette­s blanches. Je trouve ça plus vulgaire que quelqu’un qui dit merde à tout bout de champ. La vulgarité, c’est me saluer avec empresseme­nt mais ne pas dire bonjour ni même regarder ma femme comme ça m’est arrivé hier soir avec quelqu’un de célèbre, définitive­ment vulgaire à mes yeux. J’ai connu les années bénies de la fin des années 80 et des années 90 avec Les Nuls, où parfois, c’est vrai, sur le plateau, j’aurais pu me tenir un peu plus poliment. Mais je n’ai jamais manqué de respect à quiconque. La vulgarité, c’est aimer ce qui brille à défaut de ce qui compte. »

En tant qu’acteur dans la reprise de La cité de la peur, déjà en salles.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France