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Qu’elles s’engagent activement pour la parité ou contre la pollution, ces jeunes sportives ultra-connectées sont en train d’écrire une nouvelle mythologie, moderne et inspirante, pour toute une génération.
« Sur la planche, sur la vague, je ressens des sensations (…) Gare à celui qui veut m’empêcher de rester sur la vague quand je suis invincible. » En 2013, au micro du groupe La Femme, Clémence Quélennec met au défi ceux qui oseront la provoquer sur sa planche. Cette mise en garde, qui résonne comme un hymne d’émancipation, rappelle que les surfeuses ont quelques combats à mener dans l’eau salée. Depuis les années 60 (âge d’or des beach movies et de la surf music, venus de la côte Ouest américaine), le mythe de la surfeuse aux cheveux décolorés par le soleil, à la peau hâlée et aux fessiers parfaits persiste. Sur Google, une occurrence : au terme « surfeuse » sont d’abord associés des classements sexy. Pour leurs homologues masculins, ce sont les performances sportives qui remontent en premier dans le moteur de recherche.
« On risque parfois notre vie »
Heureusement, une nouvelle vague de surfeuses transcende ces clichés. Planche rose en plastique recyclé sous le bras, Alison Teal parcourt le globe et tourne des documentaires sur l’écologie pour sa chaîne YouTube « Alison’s Adventures ». Depuis les Galápagos où elle s’est rendue pour nettoyer les plages, cette Hawaïenne explique : « L’océan est mon terrain de jeu, je me dois de le protéger et de montrer l’exemple aux générations futures. Certaines de mes vidéos, où je surfe sur des eaux envahies par le plastique, deviennent virales et contribuent à faire bouger les lois. Je suis une sorte d’Indiana Jones ambassadrice de l’écologie. »
A 10 000 km de là, à Anglet, au Pays basque, Manon Lanza a lancé il y a quatre ans Allons rider, un site féministe. Interviews d’athlètes, reportages, actualités, sujets sur les menstruations : elle y célèbre les femmes, les sports de glisse et bouscule certains stéréotypes, ce qui lui a valu de fédérer plus de 80 000 abonnés sur Instagram. « Je veux montrer que les surfeuses sont bien plus que des filles avec un corps parfait. Elles sont passionnées et prennent d’énormes risques. Le surf reste un sport extrême et physique où on joue parfois notre vie. Mais on ne doit pas avoir peur d’aller à l’eau, c’est à nous de prendre notre place et de montrer qu’on est autant capable que les hommes. Qu’importe si on fait plus qu’une taille 38 ou du 90 F, tout le monde a le droit de surfer. » Preuve tangible de la valeur réelle de ces sportives : depuis 2019, les surfeuses professionnelles touchent des primes égales à celles des hommes. Cette avancée révolutionnaire et rarissime dans le monde du sport, elles la doivent notamment à Sophie Goldschmidt, directrice générale de la World Surf League, l’organisation en charge des compétitions mondiales. Sur le long terme, cette égalité salariale offrira aux athlètes féminines une visibilité et de meilleures conditions pour éxercer leur sport, une revalorisation de leurs accomplissements sportifs et une attractivité accrue auprès des jeunes filles. Telles des néréides, ces femmes connectées écrivent une nouvelle mythologie de la surfeuse : engagée et puissante, athlétique et inspirante. A l’image de la Landaise Justine Dupont, qui s’est vue décerner en mai 2019 le prix de la plus grosse vague surfée par une femme (16 mètres) et celui de la meilleure performance féminine de l’année.