La jalousie amoureuse, l’éternel poison
Epier, fouiller dans un téléphone, accabler de questions… La jalousie l’emporte souvent sur la raison, se transformant parfois en une souffrance inapaisable. Mais elle peut aussi devenir jouissance, et intégrer le dialogue érotique d’un couple. Pourquoi sommes-nous tous des jaloux en puissance ?
Jalousie : système de volets orientables permettant d’observer depuis l’intérieur d’une maison sans être vu, nous dit le dictionnaire. Il faut reconnaître aux Italiens, à qui l’on doit cette acception, un certain génie érotique. Voir sans être vu, c’est la possibilité d’épier, bien sûr, mais aussi l’image du désir comme un écran fragile entre l’amant ou l’amante et l’objet de son regard. Sans compter que la jalousie peut s’orienter, s’ouvrir ou se fermer, elle fait entrer la lumière ou protège l’ombre.
Loin de ces délicatesses, la jalousie souffre pourtant de mauvaise réputation. Avouez en souffrir et l’on vous regardera avec un mélange de pitié et d’inquiétude. C’est qu’elle a maille à partir avec d’effrayantes puissances : envie, possession, pulsion de meurtre. C’est Othello qui étrangle Desdémone et puis se tue lui-même. C’est Abel assassiné par son frère Caïn, tout premier meurtre de la Bible, pour une sombre histoire d’offrande préférée par Dieu. C’est Médée qui poignarde ses propres enfants pour punir Jason l’infidèle. Dans tous les cas, l’affront est tel qu’il conduit au meurtre. Le jaloux veut la mort de quelqu’un ou de quelque chose en lui. Pourtant, dans l’imaginaire collectif, la jalousie reste intimement liée à l’amour. A tel
point qu’on lit encore dans la presse « Il la tue par amour », alors que ce n’est pas l’amour qui tue, mais la brutalité, la folie, la frustration. Que cela soit clair : la jalousie n’est pas une preuve d’amour. Et si l’histoire de Médée semble archaïque, elle s’est répétée en 2016 en Savoie quand un homme a assassiné sa fille de 3 ans pour se venger de son ex-femme. La lettre qu’il a laissée ferait frémir Euripide : « J’espère que tu vas bien souffrir avec la mort de ta fille. Champagne ! Sois la plus malheureuse possible. Je ne regrette rien. »
Mais dès qu’il quitte la tragédie, le jaloux se trouve menacé de ridicule, il devient le cocu. On rit derrière son dos, son inquiétude semble une punition. Car il ou elle porte la réalité comique alors que la jeunesse, la beauté, la nouveauté exercent un attrait irrépressible face au vieux mari ronchon, à la rombière qui ne doute plus de rien. Et plus près de nous encore, la révolution sexuelle des années 70 lui a collé l’étiquette d’affect petit-bourgeois. Bref, être jaloux, ce n’est pas cool, pas moderne, et certainement pas sexy. Une rapide recherche sur Internet donne l’image d’une vilaine maladie que tous les psychologues du monde recommandent de soigner.