Le questionnaire Isabelle Autissier
La grande navigatrice, qui vient de publier un nouveau roman où flotte le souvenir d’une mère arrachée à son fils*, aime fouler pieds nus l’herbe de son jardin au petit matin.
—Aimez-vous votre visage ?
Oui, parce que j’y retrouve le visage de mes parents et de mes quatre soeurs.
—Etes-vous fille ou femme ?
Femme. On m’a traitée de garçon manqué en sous-entendant que la voile serait un sport de mecs, mais la question de ma féminité ne m’a jamais effleurée.
—Dormez-vous la nuit ?
Comme un loir. Depuis quelques années, je me réveille vers 3 heures du matin. Je me rendors en écoutant la radio.
—Votre mère était-elle dominante ou soumise ?
Soumise, elle était d’une époque où c’était le lot de la plupart des femmes. Elle a arrêté de travailler pour élever ses filles.
—Combien de drogues vous faut-il pour vivre ?
Des vraies ? Zéro. Ou alors le bateau. La voile est la seule chose non négociable.
—Le plus beau regard que l’on ait posé sur vous ?
Un photographe m’avait dit : « Quand je te photographie, pense à l’homme que tu aimes ! » Cela avait fait surgir une émotion.
—Citez trois amants rêvés au cours de votre vie ?
Nelson Mandela, Simone Veil et le navigateur Jérôme Poncet, mais c’est de la pure admiration.
—Votre plus grand plaisir simple ?
Fouler pieds nus l’herbe de mon jardin au réveil et en toute saison.
—Votre dernière recherche Google ?
Le rapport de l’Ipbes, l’assemblée scientifique mondiale sur la biodiversité qui s’est tenue récemment à Paris.
—Le meilleur conseil que l’on vous ait donné ?
Le pire n’est pas toujours sûr. C’était un dicton de famille.
—La dernière chose que vous avez bue et mangée ?
Une orange, un café et des céréales.
—Le goût dont vous avez honte ?
Je suis fan du Seigneur des anneaux que j’ai relu plusieurs fois. Il faut avouer que c’est un peu ringard.
—Etes-vous violente ?
Non, la violence me décontenance. En revanche, je peux être cinglante.
—Que ne supportez-vous pas que l’on dise de vous ?
Pas grand-chose. Ah si ! Que je ne m’intéresse pas aux autres. Je crois au contraire être très à l’écoute.
—Pouvez-vous sortir dans la rue sans maquillage ?
Tout le temps, puisque je ne me maquille jamais. (Elle rit.)
—Aimez-vous votre prénom ?
Oui, c’est un prénom agréable à prononcer même s’il est daté.
—Fuir, s’adapter ou combattre ?
S’adapter. C’est ce que la mer nous enseigne.
—La première fois où vous vous êtes sentie libre ?
Vers 12-13 ans, lorsque j’ai eu le droit de barrer seule le petit dériveur familial à Lancieux.
—La place du sexe dans votre vie ?
Assez faible. J’ai connu de belles relations amoureuses, mais en ce moment c’est calme.
—Pouvez-vous prendre une photo de vous ?
—Si vous étiez une fée et que vous pouviez offrir trois dons à un enfant, lesquels seraient-ils ?
Le sens des autres, le goût de l’émerveillement, la lucidité quant à la chance de vivre dans un pays en paix.