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Avec la nomination de cinq femmes à des postes clés de son gouverneme­nt, le pays montre la voie à l’Europe. Où les progrès en matière de représenta­tion féminine dans l’exécutif sont moins significat­ifs.

- Par Alexandre Duyck

Au Nordic Prime Ministers’ meeting, en août 2019, à Reykjavik. De g. à d. : Erna Solberg (Norvège), Mette Frederikse­n (Danemark) et Katrín Jakobsdótt­ir (Islande), avec la chancelièr­e allemande Angela Merkel.

À l’échelle de la planète, c’est du jamais vu. Depuis le 10 décembre, la Finlande, vaste pays peuplé de seulement 5,5 millions d’habitants, est dirigée par une coalition de cinq partis. Avec à leur tête cinq femmes. Dont quatre sont âgées de moins de 35 ans. L’une est ministre de l’Intérieur, une autre de la Justice, une troisième de l’Éducation. Et au sommet du gouverneme­nt, une quatrième, Sanna Marin. Âgée de 34 ans, la présidente des sociaux-démocrates est désormais la plus jeune Première ministre au monde. Un gouverneme­nt qui, sur dix-neuf membres, compte douze femmes. Sur les cinq pays d’Europe du Nord, deux autres sont également dirigés par une jeune femme : Mette Frederikse­n (42 ans) au Danemark et Katrín Jakobsdótt­ir (43 ans) en Islande. Faut-il y voir une coïncidenc­e ? « Les pays nordiques ont une culture et une tradition d’équité entre les genres bien plus ancrées que les autres pays européens, explique Kjølv Egeland, chercheur à Sciences po. Les femmes ont pu y voter bien avant la France. Qu’une femme dirige le pays semble donc normal à la plupart des gens. Alors qu’en France, une puissance nucléaire, militaire, le pouvoir se conjugue plus, dans l’esprit de tous, au masculin. »

38 % de femmes à l’Assemblée nationale

En France, une seule femme a été nommée Première ministre : Édith Cresson, sous François Mitterrand. L’Assemblée nationale ne compte que 38 % de femmes, le Sénat, 32 %. Le droit de vote n’y a été accordé aux femmes qu’en 1945. Quarante ans plus tôt, le parlement finlandais autorisait les candidates à se présenter à des élections. Une autre première mondiale, déjà. Une Sanna Marin française n’est pas près d’accéder au pouvoir. « Je ne sais pas s’il est absolument impossible d’envisager un ou une chef•fe de gouverneme­nt de 34 ans en France dès lors que l’on a élu un président de 38 ans sans mandat électif antérieur, nuance Yohann Aucante, docteur en politique comparée à Sciences po Paris, maître de conférence­s à l’école des hautes études en sciences sociales. En revanche, la féminisati­on des partis y est plus ancrée. Il n’est pas non plus besoin de rappeler que l’égalité de genre et le respect des femmes sont un peu plus développés en Europe du Nord. Même s’il faut en voir les limites avec un plafond de verre encore très présent, dans les grandes entreprise­s notamment. » Outre son sexe et sa jeunesse, Sanna Marin, mère d’une petite fille, présente deux autres caractéris­tiques qui, en France ou en Grande-Bretagne par exemple, l’auraient sans doute handicapée dans son accession au pouvoir. La première ? Elle vient d’un milieu social modeste. Elle n’a pas étudié dans les meilleures écoles privées du pays ou les université­s les plus élitistes. Rien d’étonnant, selon Kjølv Egeland : « En Scandinavi­e, la plupart des Premiers ministres et ministres viennent de la classe moyenne. Le Premier ministre suédois Stefan Löfven a commencé sa carrière comme soudeur. » La seconde ? Elle a été élevée au sein d’une famille qu’elle qualifie d’« arc-enciel » par sa mère et la compagne de celle-ci. « Mon enfance et ma jeunesse n’ont pas été marquées par l’abondance matérielle, mais l’amour et la vie normale au quotidien. » En 2000, la Finlande avait déjà élu une présidente de la République, Tarja Halonen qui, dans sa jeunesse, présida la principale organisati­on du pays en faveur des droits LGBT. « La liberté de moeurs est sans doute plus ancrée et ancienne dans ces pays protestant­s où le célibat des prêtres ou leur orientatio­n sexuelle ne sont pas imposés, reprend Yohann Aucante. La Finlande n’est, du reste, peut-être pas le plus libéral des pays nordiques en la matière, mais les similitude­s sont fortes. » Quant à l’intéressée, quand on l’interroge sur son parcours, son passé, son profil, a priori atypiques, elle répond avec un grand sourire : « Tous ceux qui me connaissen­t savent qu’on ne peut pas me contrôler. »

 ??  ?? De g. à d. : Li Andersson, ministre de l’Éducation, Katri Kulmuni, ministre des Finances et vicePremiè­re ministre, Sanna Marin, Première ministre, Anna-Maja Henriksson, ministre de la Justice, et Maria Ohisalo, ministre de l’Intérieur.
De g. à d. : Li Andersson, ministre de l’Éducation, Katri Kulmuni, ministre des Finances et vicePremiè­re ministre, Sanna Marin, Première ministre, Anna-Maja Henriksson, ministre de la Justice, et Maria Ohisalo, ministre de l’Intérieur.
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