Marie Claire

Marie Laguerre : “On ne peut pas tolérer les ‘petites’ agressions sexistes du quotidien”

Frappée dans la rue après avoir osé répliquer à l’homme qui la sifflait, celle dont l’agression a fait le tour du Web publie un manuel pratique pour aider les femmes à se défendre des harceleurs.

- Par Corine Goldberger

L’histoire de Marie Laguerre a fait le tour du monde. Tout commence le 24 juillet 2018 devant une terrasse de café, boulevard de la Villette, à Paris. Étudiante en architectu­re, Marie, 22 ans, croise un inconnu qui l’interpelle avec d’humiliants bruits de succion, entre autres. Un de plus dans la journée. Un de trop. La jeune femme ne baisse pas les yeux et balance un « Ta gueule ! » Le harceleur revient sur ses pas, lui balance un cendrier puis un coup de poing en plein visage. En état de choc, l’étudiante décide de publier sur Facebook les images de vidéosurve­illance qui montrent l’agression. Vue plus de neuf millions de fois, la scène devient le symbole du harcèlemen­t de rue. D’innombrabl­es femmes s’identifien­t à Marie et témoignent elles aussi. « Je suis peut-être optimiste, mais je pense que depuis le mouvement #MeToo, les femmes ne s’arrêteront plus de parler », veut- elle croire.

« Même des petites de 6e me contactent »

Une semaine après, l’outrage sexiste est devenu un délit, passible d’une amende de 90 € au minimum. En octobre dernier, l’agresseur de Marie Laguerre (qui n’a exprimé aucun regret) a été condamné à six mois de prison ferme et 2 000 € de dommages et intérêts. Il devait aussi suivre un stage de sensibilis­ation aux violences sexistes. Quant à la jeune femme, devenue lanceuse d’alerte sans l’avoir voulu, elle co-publie Rebellez-vous !*, un livre manifeste pour que les femmes cessent de se laisser faire et un manuel pratique avec des conseils pour se défendre ou aider une femme importunée. « Depuis ma médiatisat­ion, j’ai la chance, la responsabi­lité de pouvoir parler au nom de toutes. Depuis, je ne cesse de me battre contre le sexisme qui imprègne notre société. Ce livre, c’est pour continuer à porter un discours qui touche le plus de monde possible. Même des petites de 6e me contactent. C’est de la pédocrimin­alité. » Dans la pratique, la loi contre le harcèlemen­t de rue est difficile à faire appliquer : « En octobre dernier, à peu près neuf cents amendes avaient été prononcées pour harcèlemen­t de rue. C’est peu. Je reçois des demandes d’aide de filles qui ont tenté de porter plainte mais ont été mal reçues dans les commissari­ats. Il faut des policiers formés à les recevoir et des témoins de l’agression. » L’affaire Laguerre a-t-elle changé les mentalités ? Marie est partagée. « D’un côté, j’observe une meilleure sensibilis­ation au harcèlemen­t de rue parmi les jeunes hommes de mon âge et du milieu étudiant. De l’autre, je constate un retour de bâton. »

Il y a ces trolls blessés dans leur ego de dragueurs de rue qui l’ont harcelée sur les réseaux sociaux. Mais aussi ceux qu’elle appelle les « faux progressis­tes ». « Comme cet élu du 19e qui m’assène, après m’avoir félicitée : “On a quand même le droit de faire un compliment aux femmes dans la rue.”» Ce sont ces hommes qui tentent de me culpabilis­er de mobiliser pour si peu. Les vrais problèmes, disentils, ce sont les viols, les féminicide­s, les atteintes aux droits des femmes en Arabie saoudite ou en Iran ! » Mais pour Marie Laguerre, « tout est lié. Si on tolère les “petites” agressions sexistes du quotidien, on laisse des violences plus graves se perpétuer. Le harcèlemen­t de rue n’est que l’un des aspects, un symptôme, de l’ensemble des violences contre les femmes. Vous connaissez la formule : “Le diable est dans les détails.” »

(*) Avec Laurène Daycard, éd. L’iconoclast­e, sortie le 19 février.

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