Marie Claire

Dans le bureau de Rebecca Lamarche-Vadel

La directrice déléguée de la fondation Lafayette Anticipati­ons nous raconte son quotidien au travail, entre questions de société, marche réflexive et grand cahier Moleskine noir.

- Par Corine Goldberger — Photo Élise Toïdé

Après sept ans au Palais de Tokyo comme commissair­e d’exposition, elle dirige une équipe de douze personnes à la fondation Lafayette Anticipati­ons pour exposer des créateurs, tout en mettant des ateliers à leur dispositio­n.

—Prenez-vous un petit-déjeuner ?

Oui, préparé par Thomas, mon mari. Un grand bol de muesli avec toutes sortes de noix, de fruits, de pollen, du tahini (purée de sésame) avec du thé. C’est la garantie d’une matinée en forme.

—Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir au travail ? Être en lien avec le monde, c’est-à-dire avec les grandes questions qui animent la société. Exemples ? Qu’est-ce que le genre, l’individu, être hors norme… ? Nous avons eu un débat passionnan­t avec l’auteure et galeriste Isabelle Alfonsi sur l’histoire de l’art queer.

—Votre tenue de combat ?

J’aime beaucoup la mode – Marine Serre, Balenciaga, Courrèges… – et j’ai des amis créateurs que j’admire, défends et porte. Jamais de talons ou très peu. Et je n’aime pas les tailleurs et l’idée de m’habiller en directrice.

—Profession­nellement, qu’est-ce que vous ne supportez pas que l’on dise de vous ?

On me dit que j’ai du mal à entendre « non » ou « c’est impossible ». Or je me suis toujours battue pour construire des projets qui poussent un peu chacun d’entre nous à se réinventer, en tant qu’individu, en tant qu’institutio­n. J’ai un rapport très passionné avec mon travail mais… je me calme. (Elle rit.)

—Avez-vous un objet fétiche dans votre bureau ?

Mon cahier noir, toujours de la marque Moleskine. Ce n’est pas un agenda mais un journal de bord. Je prends des notes lors des conférence­s ou des conversati­ons avec les artistes. J’y intercale mes to-do lists et des petits croquis : comment placer les oeuvres, etc.

—Pensez-vous qu’il faut choisir le bon partenaire de vie pour faire carrière ?

Rien de ce que je fais aujourd’hui ne serait possible sans le soutien absolu de mon mari, Thomas Jeppe, artiste et éditeur, qui a pris un congé de paternité de plusieurs mois et mis ses activités en pause pour me suivre partout dans le monde. Car je n’ai pas pris de congé de maternité. Deux semaines après la naissance de notre petite Milla, j’ai donné une conférence de presse à Venise pour annoncer la biennale de Riga (ma deuxième casquette).

—Avez-vous déjà été atteinte du syndrome de l’imposteur ? J’ai surtout dû faire mes preuves. Quand j’ai été nommée commissair­e d’exposition au Palais de Tokyo, je n’avais que 25 ans, l’âge de mes stagiaires. Je savais pourquoi j’étais là, puisqu’à 16 ans j’organisais déjà des exposition­s. Mais j’étais face à des responsabi­lités énormes. Je prenais la place de certains qui avaient vingt ans de carrière et qui s’estimaient beaucoup plus légitimes que moi. Donc j’ai beaucoup travaillé : de 8 h du matin à 22-23 h tous les jours pendant plusieurs années.

—Avez-vous déjà connu la misogynie au travail ?

Oui. Dans des réunions, par exemple. Comment la parole est donnée et comment elle est entendue. Cela peut donner une impression d’invisibili­té. Je fais attention à ce que les femmes soient traitées de façon égalitaire au sein de l’équipe. Par ailleurs, mettre en avant des artistes femmes fait partie de la culture de la fondation. La prochaine sera Rachel Rose, du 18 mars au 17 mai.

—Que faites-vous pour tenir le coup ?

De l’acupunctur­e une fois par mois. Et je marche beaucoup dans Paris. C’est une hygiène de vie. Il y a plein de choses que je dénoue en marchant. Cela met la pensée en mouvement. Puis je lis beaucoup pour me nourrir. En ce moment ? Anna Lowenhaupt Tsing, Le champignon de la fin du monde*. C’est génial, ça parle de champignon­s qui ne poussent que dans des ruines industriel­les, ou comment survivre dans les ruines du capitalism­e. Avant d’avoir un enfant, je faisais de la méditation ou des retraites silencieus­es dans le Perche, chez un moine bouddhiste.

(*) Éd. La découverte.

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