Marie Claire

Le vêtement virtuel, ce lucratif objet du désir

C’est le nouveau credo des maisons de luxe : concevoir, avec autant de rigueur que pour un défilé, des pièces qui seront vendues pour être portées par des avatars de jeux vidéo. Décryptage.

- Par Louise des Ligneris

S.O.S. ! Nicole Kidman a besoin d’un styliste pour un gala. Elle souhaite que vous choisissie­z sa robe, ses chaussures et son sac parmi une sélection de marques telles que Fendi, Louis Vuitton, Prada. Voilà le scénario fictif de Drest, un jeu vidéo pour smartphone lancé en octobre 2019. Conçu par Lucy Yeomans, ex-rédactrice en chef de Harper’s Bazaar et Porter, Drest incarne la frénésie des marques et des consommate­urs pour les vêtements virtuels. Selon le cabinet d’études Newzoo, d’ici 2021, le très florissant marché des jeux vidéo devrait dépasser 170 milliards d’euros à l’échelle mondiale. Et en 2019, 63 % des utilisateu­rs de jeux mobiles étaient des femmes. Cette manne économique potentiell­e générée par la mode numérique a naturellem­ent capté l’attention des marques. Et sont de plus en plus nombreuses à imaginer des créations virtuelles à destinatio­n des joueurs. Derrière leur écran, ils peuvent acheter avec de l’argent bien réel des vêtements – aussi appelés skins – pour habiller l’avatar de leur jeu favori. Jeremy Scott chez Moschino a ainsi conçu l’année dernière un kit d’objets et des vêtements pour les Sims à 9,99 €. En grande partie grâce aux ventes additionne­lles de skins, le jeu Fortnite réalisait en 2018, un chiffre d’affaires de 2,4 milliards de dollars, un record.

Miser sur la viralité

Si le marché des skins restait jusqu’alors plutôt confidenti­el, Louis Vuitton a franchi une étape dans sa démocratis­ation en devenant en 2019 partenaire du championna­t du monde du jeu League of Legends. L’évènement était regardé par plusieurs millions de passionnée­s. En plus d’un impression­nant écrin au logo LV destiné à accueillir le trophée, Nicolas Ghesquière a conçu des tenues pour avatars ainsi qu’une collection capsule inspirée du jeu. Jasmine Asia, joueuse profession­nelle et mannequin, émet pourtant des réserves sur ce rapprochem­ent entre les deux univers : « Lors des défilés, je vois des vêtements très similaires à ceux existant dans les jeux depuis des années. Les designers s’inspirent de cette esthétique mais ils ne le créditent que rarement. Pourtant, s’ils mentionnai­ent notre culture comme référence, cela aiderait peut-être à améliorer notre image qui souffre encore de beaucoup de stéréotype­s. » Selon elle, le lien entre mode et gaming reste encore trop unilatéral : « Les figures de notre milieu devraient être plus impliquées. Par exemple, lorsqu’elles font des collection­s inspirées du gaming, les marques devraient demander aux joueurs profession­nels de poser pour leurs campagnes. » Peu importe la réalité ou la virtualité du vêtement, les acteurs de la mode misent en fait sur la viralité de leurs créations en s’adressant à un public ultra- connecté et en constante augmentati­on, pour qui l’apparence du moi virtuel est un atout précieux.

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1. Moschino x The Sims Capsule collection. 1
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2. Un avatar en total look Gucci chez Drest. 3. Louis Vuitton x League of Legends. 2
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