“J’aime laisser de la place à ceux qui portent mes vêtements”
Le créateur israélien Hed Mayner, lauréat du prix Karl Lagerfeld au LVMH Prize, nous explique sa vision d’une mode qui exalte le langage du corps.
Vous concevez des silhouettes floues, non genrées, comme pour signifier que celui qui porte vos vêtements les a empruntés à quelqu’un. Quelle est votre motivation ? J’aime lorsqu’une personne porte des vêtements qui ne sont pas parfaitement ajustés à sa taille, cela crée un langage corporel, un mouvement. Vous pouvez porter une chemise blanche par exemple, mais selon ses proportions, sa coupe et votre morphologie, elle aura toujours un rendu unique. Même si un vêtement a été pensé pour avoir un tombé précis, les gens vont lui donner une nouvelle impulsion. Sur Instagram, j’ai vu des personnes prolonger les propositions de mes défilés.
Vous avez d’abord étudié la mode à l’école des beaux-arts Bezalel, à Jérusalem, avant d’aller à Paris et intégrer l’Institut français de la mode (IFM). Que vous ont apporté ces deux formations ? Commencer par Jérusalem m’a été bénéfique car l’enseignement n’y est pas figé. L’école garde une certaine distance avec l’industrie de la mode donc je me suis senti libre. L’IFM a plus été une fenêtre sur le monde. J’avais besoin d’une structure et d’une méthodologie plus stricte. J’y ai rencontré des gens formidables qui m’ont aidé à créer ma marque.
En effet, vous faites partie de ces créateurs à avoir lancé son label avant de travailler dans une tierce maison.
Avant de me lancer, j’ai travaillé pour des créateurs locaux, mais pas dans la mode. Ensuite, j’ai voulu travailler pour des maisons de couture, donc je suis venu à Paris et ai intégré l’IFM. Je me suis vite rendu compte que ce n’était pas la bonne voie pour moi. Alors, j’ai fondé une marque. C’était important de créer quelque chose.
Vous employez peu d’accessoires, beaucoup de matières naturelles, vous revendiquez des inspirations strictes du vestiaire militaire et hassidique. Pourquoi est-ce si important d’aller à contre-courant d’une mode spectacle ?
J’aime laisser de la place aux personnes qui portent mes vêtements. Je ne veux pas leur proposer un concept esthétique envahissant, ni leur faire croire qu’ils portent un costume ou une sorte de kit. Les gens ne veulent pas être identifiables trop facilement, ni enfermés dans une case. Je veux que mes vêtements laissent une liberté d’interprétation, sans pour autant avoir l’air normal ou commun. À travers eux, il s’agit de créer une individualité tout en élevant la personne qui les porte.
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