Marie Claire

Les sublimes mères marocaines de Maryam Touzani

L’actrice signe, à 39 ans, un premier film* galvanisan­t sur la solidarité entre femmes au Maroc, intimiste et d’une grande beauté.

- Par Emily Barnett

Son film Adam est l’un des plus beaux que l’on puisse voir sur le sentiment puissant d’être mère. Dans un huis clos où deux étrangères vont s’affronter puis s’entraider – une jeune femme enceinte et une veuve –, Maryam Touzani livre un portrait intimiste et pictural d’une grande beauté, un brûlot féministe contre la condition aliénante des femmes. « Ce film est né d’une vraie rencontre, explique-t-elle au téléphone, de Casablanca. Une histoire que je porte en moi depuis dix-sept ans : un jour, j’étais chez mes parents à Tanger et une fille a frappé à notre porte. Elle était enceinte et n’avait nulle part où aller. Elle est restée chez nous. J’ai assisté à la fin de sa grossesse. Le lendemain de son accoucheme­nt, je l’ai accompagné­e pour qu’elle donne son enfant qui n’avait pas de “père” et faisait donc d’elle une hors-laloi si elle le gardait. Ce fut un déchiremen­t. » Cette histoire qui ne l’a « jamais lâchée », Maryam, l’a sentie ressurgir en elle lorsqu’elle est à son tour tombée enceinte, à 37 ans (elle est aujourd’hui mère d’un garçon de 2 ans et demi). « Ce souvenir me travaillai­t de l’intérieur, j’ai écrit le scénario instinctiv­ement pendant ma grossesse. » Compagne du cinéaste Nabil Ayouch avec qui elle vit à Casablanca, la jeune femme originaire de Tanger (sa ville natale, « une bulle hors du temps » ) n’est pas une inconnue. Elle est tombée amoureuse du cinéaste à 27 ans lors d’une interview. À l’époque, elle était journalist­e. Depuis, ils ont écrit et tourné plusieurs films ensemble : Maryam a réalisé un film documentai­re qui a inspiré une fiction, Much loved, et elle est l’une des interprète­s de Razzia, le dernier film du cinéaste sorti en 2018. Tous deux scrutent les injustices endémiques de la société marocaine, et plus particuliè­rement celles faites aux femmes sous couvert de bienséance sociale et religieuse. « Nabil a une grande sensibilit­é. Nous avons de beaux échanges. Il est toujours dans une quête de vérité. » Cet amour, qui a donné lieu à une fructueuse et dense collaborat­ion de cinéma, ne laisse pas de place au doute ni à la mélancolie. « J’ai 39 ans, bientôt 40, et je vis cet âge avec beaucoup de bonheur. Plus jeune, les quadras me semblaient âgés mais je réalise aujourd’hui qu’on a la vie devant soi avec la maturité en plus. On n’est plus dans l’insoucianc­e, on a la notion du temps qui passe, donc on savoure. Pour rien au monde je ne voudrais revenir en arrière. » La réalisatri­ce ne se soucie pas des petites rides apparues aux coins de ses yeux : « J’ai toujours eu une grande cicatrice sur le front. On m’a dit de faire de la chirurgie esthétique mais j’ai toujours refusé. Ça fait partie de moi. Les rides, c’est pareil. »

(*) Adam de Maryam Touzani, avec Lubna Azabal, Nisrin Erradi, en salles.

À l’aube de sa mort à la suite de l’ingestion de barbituriq­ues, Judy Garland est une femme usée. Par une jeunesse volée, par ses problèmes d’argent et ses addictions, et par son rôle de mère, qu’elle culpabilis­e de délaissera­u profit d’une industrie qui n’a fait que la broyer. Le film raconte la lente et bouleversa­nte chute de celle qui fût l’inoubliabl­e Dorothy du Magicien d’Oz, incarnée sans fausse note par Renée Zellweger, dans son rôle le plus intense. Jusqu’à nous laisser, comme Judy à la fin de sa vie, presque sans voix. V.C.

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Maryam Touzani (3), actrice dans Much loved (1) de Nabil Ayouch (2015), et réalisatri­ce d’Adam (2), avec Nisrin Erradi et Lubna Azabal (2020).
2 Maryam Touzani (3), actrice dans Much loved (1) de Nabil Ayouch (2015), et réalisatri­ce d’Adam (2), avec Nisrin Erradi et Lubna Azabal (2020).
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Judy de Rupert Goold, avec Renée Zellweger, sortie le 26 février.

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