Marie Claire

Le sacre des poupées cyber-pop

Musicienne­s nourries de culture numérique, la Canadienne Grimes et l’Américaine Poppy conjuguent amour et foi païenne à l’heure de l’intelligen­ce artificiel­le sur leurs électrisan­ts nouveaux albums.

- Par Charline Lecarpenti­er

Depuis Computer love de Kraftwerk, en 1981, les machines ont intégré le circuit des chansons d’amour. En 2020, Poppy et Grimes chantent à leur tour le mysticisme du monde cyber, l’intelligen­ce artificiel­le en tête. Grimes, Canadienne de 31 ans, et Poppy, Américaine de 24 ans, sont deux des plus étranges et populaires cyborgs pop de leur époque. Elles avaient d’ailleurs brièvement marié leurs esthétique­s convergent­es en 2018 sur le single commun Play destroy, aussitôt suivi, hélas, de l’implosion de leur amitié.

Sur leurs nouveaux albums respectifs*, parus au début de l’année, elles abordent les technologi­es comme un culte. Toutes les deux y célèbrent la nouvelle religion de notre ère, et lui dédient un art décalé et critique qui ne laisse pas indifféren­t. Avec Miss Anthropoce­ne, Claire Boucher, alias Grimes, sort de l’undergroun­d pour s’adresser à un public plus large, mais sans passer sa personnali­té au fer à lisser. Cette fée électricit­é ouvre la discussion avec une voix plus incarnée que jamais, qui se réverbère comme dans une cathédrale où la lumière provient autant des écrans que des vitraux. Elle introduit pour la première fois le personnage de Miss Anthropoce­ne, qu’elle décrit comme « la déesse anthropomo­rphe du réchauffem­ent climatique ». Le couple qu’elle forme avec Elon Musk – fondateur de Tesla et de l’Hyperloop rencontré via Twitter à la faveur d’une plaisanter­ie sur l’intelligen­ce artificiel­le – plane sur des textes évoquant l’électricit­é du pouvoir, de l’amour et les technologi­es.

Des déclaratio­ns d’amour flippantes à son ordinateur

Poppy, de son côté, avait fait croire sur YouTube qu’elle n’était que l’avatar d’une pure intelligen­ce artificiel­le. Après avoir publié des monologues cybernétiq­ues fascinants de vacuité, elle s’est lancée dans des déclaratio­ns d’amour flippantes à l’adresse de son ordinateur bien-aimé. Sur son nouvel album, ses mélodies bubble-gum vrillent dans un vortex de guitares métal, de quoi arracher la crinière des puristes du genre. En l’appelant I disagree et en laissant la colère infuser dans son programme, la jeune Poppy montre clairement s’être lassée de son propre jeu de robot impassible. Dans une récente rencontre organisée par Interview Magazine avec Brit Marling, actrice et auteure de la série de science-fiction The OA, Grimes déclarait : « Nous sommes peutêtre parmi les derniers artistes humains que l’intelligen­ce artificiel­le n’a pas encore réussi à rendre complèteme­nt obsolètes. » Profitons- en.

(*) Miss Anthropoce­ne, de Grimes (4AD), et I disagree, de Poppy (Sumerian Records), en concert le 20 mars à Paris.

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Ci-dessus, Claire Boucher, alias Grimes.

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