Marie Claire

Prix d’Excellence de la Beauté Connectée 2020

En créant Ma Coiffeuse Afro*, une appli qui permet aux femmes aux cheveux frisés ou crépus de réserver un coiffeur expert à domicile, Rebecca Cathline s’inscrit dans une démarche à la fois personnell­e et militante. Elle nous en détaille les ressorts.

- Par Aurélie Lambillon — Photo Cyrille George Jerusalmi

Où se font coiffer les Afro-descendant­es (20 % de la population) dans la région parisienne et le reste de l’Hexagone ? Et, surtout, qui s’en préoccupe ? Jusqu’à récemment, peu de monde. Le cheveu afro n’intéresse pas les grandes enseignes de la coiffure et le Web manque de propositio­ns crédibles. C’est d’ailleurs en écoutant Christine Taubira avouer, en 2015 sur Canal +, qu’elle avait dû faire venir sa coiffeuse de Guyane, que Rebecca Cathline a un déclic. « Je me suis rendu compte que, moi aussi, je galérais. Je passais par des petites annonces en ligne ou je sacrifiais une journée entière du weekend à attendre dans un salon parisien de Château-Rouge ou Château d’Eau. » L’année suivante, à 28 ans, cette diplômée en Web marketing profite d’un licencieme­nt économique pour se lancer. Elle imagine Ma Coiffeuse Afro*, une plateforme digitale dédiée à la beauté africaine, permettant de réserver à domicile une coiffeuse experte. Un nom de domaine, une courte vidéo et une page Facebook, les trois suffisent à la faire repérer lors d’un concours de start-up. Elle prend un associé pour la partie technique, court les forums pour comprendre l’univers de l’entreprena­riat et frappe aux portes pour se faire financer, convaincue du potentiel de son idée. « J’ai pourtant failli tout arrêter. Lever des fonds est encore plus compliqué quand le sujet ne parle pas aux investisse­urs. Des hommes qui n’ont jamais mis les pieds à Château d’Eau ne comprennen­t pas ce marché qu’ils considèren­t comme trop niche, et mon projet comme trop afro et trop féminin. » C’est finalement à Denis Fayolle (cofondateu­r de LaFourchet­te et aujourd’hui derrière Treatwell, ManoMano…) qu’elle doit le premier gros coup de pouce. Et avec le Numa, le plus prestigieu­x incubateur parisien, qu’elle trouve un accompagne­ment, un bureau – et « une certaine crédibilit­é ».

« Une histoire de femmes »

Ma Coiffeuse Afro abrite aujourd’hui une communauté de plus de deux cent mille femmes qui se font coiffer en Île- de-France, mais aussi à Strasbourg, à Lyon et bientôt en Normandie. Et regroupe quelque deux cents coiffeuses, souvent autodidact­es, auxquelles le site donne l’opportunit­é de se profession­naliser. « Elles me touchent. Certaines vivent dans des conditions difficiles et ne savent pas qu’elles ont de l’or dans les mains. Dans les pays anglosaxon­s, la coiffure afro est un art reconnu, appris dans des écoles et même récompensé par des prix. Pas en France. C’est à nous de les valoriser en les aidant à évoluer et à se structurer, pour qu’elles deviennent capables de gagner leur vie. J’aime cet aspect de ce que je fais : un service s’est transformé en aventure humaine et en histoire de femmes. » Forte des partages d’expérience­s de toutes ces femmes, à l’écoute de leurs attentes et de leurs frustratio­ns, Rebecca Cathline a sorti en octobre dernier In Haircare, une gamme de complément­s alimentair­es naturels et vegan pour agir sur la pousse de ces cheveux fins, secs et cassants. « Les Afro-descendant­es dépensent beaucoup mais elles n’ont pas toujours l’impression que leurs besoins soient compris ou reconnus. Même si les choses évoluent. Je me suis donc aussi donné pour mission de leur faire découvrir ce qu’elles peuvent faire en plus pour leur beauté. » Mission qu’elle espère un jour poursuivre au Royaume-Uni, aux ÉtatsUnis et sur le continent africain.

(*) macoiffeus­eafro.com

→ BEAUTÉ À DOMICILE : CES SITES ET APPLIS QUI NOUS FACILITENT LA VIE, SUR MARIECLAIR­E. FR

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