Marie Claire

Delphine Ernotte-Cunci,

PDG de France Télévision­s

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“Les femmes sont juste la moitié de l’humanité. À 100 % donc pour les quotas parce que c’est une bonne façon d’avancer.”

Un souvenir marquant de sexisme ?

Quand j’ai pris mes fonctions, je venais d’un autre monde profession­nel. Et j’ai fait face à un procès en illégitimi­té. Puis, quelques mois après, quand un grand patron, qui ne vient pas non plus de l’univers de la télé, a été nommé PDG de TF1, il n’y a pas eu une ligne pour lui faire un procès équivalent à celui que j’ai subi. Mais ce qui est épuisant, c’est le sexisme ordinaire. C’est le fait qu’on vous coupe tout le temps la parole, que quand vous arrivez quelque part, personne ne pense que c’est vous le patron. Donc on vous serre la main en regardant à côté. C’est permanent et fatigant, à la fin de la journée. Un souvenir : quand je suis arrivée, on avait proposé aux collaborat­eurs de mettre sur un panneau des Post-it avec toutes les remarques sexistes entendues au cours de leur carrière. Le résultat ? Violence, grossièret­é, vulgarité. Inimaginab­le. Pour lutter contre le harcèlemen­t sexuel, nous avons monté un réseau de référentes internes. Derrière, des sanctions peuvent être prises, qui vont jusqu’au licencieme­nt.

La solitude de la dirigeante ?

Dans mon parcours, j’ai vécu beaucoup plus de solidarité, de connivence entre femmes que de coups fourrés. C’est important de parler à d’autres femmes qui ont le même niveau de responsabi­lités ou qui sont confrontée­s aux mêmes difficulté­s parce qu’il y a une vraie sororité qui se crée.

Des quotas de femmes obligatoir­es à la direction ?

Les femmes sont juste la moitié de l’humanité. À 100 % donc pour les quotas parce que c’est une bonne façon d’avancer. D’une certaine façon, je les applique déjà : notre comité de direction est totalement paritaire.

L’impact d’une femme à la tête d’une entreprise ?

D’abord, s’il y a aujourd’hui des femmes aux postes où je suis, c’est parce qu’il y a eu des hommes en soutien. Sur les femmes à l’antenne, on est passé de 25 % d’expertes sur les plateaux à 42 %. Il y a aussi beaucoup plus de femmes journalist­es, d’animatrice­s qui présentent de grandes émissions qu’il y a quatre ans. J’ai annoncé qu’on aurait des quotas de réalisatri­ces. Pour plus d’équilibre, il faudrait aller plus loin et avoir aussi des quotas de femmes scénariste­s et directrice­s de collection, parce que c’est l’écriture aussi qui véhicule ou pas certains stéréotype­s.

Un conseil ?

On dit souvent que quand il y a trois femmes dans un comité de direction, si elles arrivent à s’entendre, on ne passera plus à côté d’une bonne idée émise par une femme parce que les autres la répéteront en la lui réattribua­nt. Les femmes expriment souvent le maximum d’idées en très peu de mots. Elles savent qu’elles doivent être incisives parce qu’on va leur couper la parole.

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