Marie Claire

Anna Notarianni,

présidente de Sodexo France

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Un souvenir marquant de sexisme ?

Plutôt une réflexion : à 20 ans, j’ai compris qu’être une jolie femme, c’était un problème. Que n’être pas jolie, c’était aussi un problème. Que vouloir des enfants, c’était un problème. Qu’être une femme qui ne voulait pas d’enfant, c’était un problème. Que vouloir réussir sa carrière, c’était un problème. Que préférer s’occuper de ses enfants plutôt que de faire carrière, c’était un problème. Tout étant un problème, j’ai décidé d’être claire sur ce que je voulais et d’assumer mes choix.

L’impact d’une femme à la tête d’une entreprise ?

Femme ou homme, il y a un consensus sur la mixité chez nous. J’interviens sur des tables rondes pour parler de leadership au féminin. Sur les salaires, notre « index Pénicaud » de l’égalité femmes-hommes est excellent pour nos trente-cinq mille collaborat­eurs. Nous avons un budget pour augmenter les femmes qui partent en congé de maternité. Nous avons aussi beaucoup d’initiative­s pour promouvoir la mixité : mentoring, réseau internatio­nal – soixante-dix pays. Une innovation : la mixité femmes-hommes par le théâtre. Des groupes interentre­prises jouent des saynètes illustrant les aléas du quotidien. Exemple : qui va garder l’enfant malade quand les deux parents travaillen­t ? La scène avait montré que les pères patrons avaient exactement les mêmes problèmes que tous les pères de l’entreprise. C’est une façon de mieux comprendre ses collaborat­eurs. Enfin, nous avons signé le 12 décembre la charte Initiative #StOpE contre le sexisme ordinaire qui regroupe environ cinquante autres entreprise­s.

Des quotas de femmes obligatoir­es à la direction ?

Ils ont bien marché pour les conseils d’administra­tion, mais je réagis en entreprene­ure : pourquoi imposer une contrainte qui touche au coeur du réacteur, la gouvernanc­e d’entreprise, donc du business ? Alors qu’avec 46 % de femmes au Codir, nous avons prouvé qu’on peut féminiser une direction sans y être forcé par la loi. Nous devons garder notre liberté. Je préfère le volontaris­me. À l’université par exemple, lors des journées portes ouvertes, ce serait bien de voir des photos de femmes pour illustrer des métiers et fonctions considérés comme masculins.

Un conseil ?

Votre voix est votre meilleure alliée ou peut vous desservir quand elle est fluette, aiguë. Travaillez-la dans les graves. Apprenez à la poser. N’acceptez pas de parler si vous n’avez pas toute l’écoute en réunion. Des hommes reformulen­t vos idées pour se les réappropri­er ? Montrez-leur que vous avez compris : « Juste pour ma compréhens­ion, explique-moi pourquoi tu reprends ce que je viens de dire ? Ce n’était pas clair ? » Enfin, évitez les postures. Nous ne sommes pas payés pour avoir des idées, mais pour avoir des idées qui marchent, qui transforme­nt le business.

“Nous avons prouvé qu’on peut féminiser une direction sans y être forcé par la loi. (…) Aux quotas, je préfère le volontaris­me.”

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