Marie Claire

Ilham Kadri,

CEO de Solvay*

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“Nous donnons quatorze semaines de congé de maternité à toutes nos collaborat­rices, quelle que soit la législatio­n de leur pays.”

Un souvenir marquant de sexisme ?

Il y a quatorze ans. J’étais en congé de maternité et on m’a demandé : « Comment allez–vous y arriver ? »

Le jour où on demandera la même chose à un futur papa, on aura gagné.

La solitude de la dirigeante ?

Cela aurait pu m’arriver au Moyen-Orient mais ça ne s’est pas passé comme ça. L’Américain Dow Chemical m’avait confié une mission de dessalemen­t d’eau de mer. Quand j’ai accepté le poste, on m’a traitée de folle. « Comment, en tant que femme, vas- tu pouvoir travailler là-bas ? » Mais bien entourée et conseillée, j’ai tenté l’expérience. En Arabie saoudite, je me suis adaptée. J’ai porté l’abaya des Saoudienne­s. Au bout de six mois, certains de mes partenaire­s saoudiens, en réunion, m’offraient le siège de droite, le siège d’honneur. Ils avaient compris que j’étais déterminée à faire mon travail, quoi qu’il arrive.

L’impact d’une femme à la tête d’une entreprise ?

Première dirigeante d’un groupe qui a 156 ans et ving-cinq mille salariés, je m’inscris dans les pas du fondateur, un philanthro­pe, qui a institué des congés payés dès 1850 pour ses salariés. Aujourd’hui, nous donnons entre autres quatorze semaines de congé de maternité à toutes nos collaborat­rices du monde entier, quelle que soit la législatio­n de leur pays. Nous créons un réseau de femmes, le Women innovation network. Nous soutenons des agricultri­ces du Rajasthan. Dans mon précédent poste de PDG, je m’étais déjà engagée pour l’alphabétis­ation et la formation des « technicien­nes de surface » en cofondant la fondation Issa Hygieia Network. Ma grand-mère, femme de ménage au Maroc et mon premier modèle, me rapportait ce dicton : « Dans la vie d’une femme, il y a deux portes de sortie. Celle qui mène de la maison du père à celle du mari, et celle qui mène à la tombe. » Elle m’encouragea­it à pousser celle de l’éducation. Je suis devenue docteure en physique-chimie des polymères.

Des quotas de femmes obligatoir­es à la direction ?

Je crois à la méritocrat­ie d’abord. Le genre ne fait pas toute la diversité. Ce qui compte, pour un poste d’exécutif senior, c’est la variété des origines, des formations, des postes occupés, la personnali­té, les expérience­s à l’étranger. Car il faut avoir tout ce vécu pour prendre de bonnes décisions.

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