Marie Claire

“Woman”,* quand les femmes se racontent

Elles sont près de deux mille, banquières ou simples villageois­es, à témoigner librement de leur condition dans le film-évènement d’Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand, acclamé à Venise. Une ode aussi captivante qu’émouvante à la résilience féminine.

- Par Katie Breen

C’est comme une symphonie, chacune parle sa langue. Sauf exceptions, impossible de savoir d’où elles viennent. Qu’elle soit banquière ou villageois­e, reine de beauté ou conductric­e de bus, chaque femme joue sa partition. Et soudain, cette impression d’avoir vécu la même expérience, ressenti la même fierté ou rage : les premières règles, le premier orgasme, un incident où l’on se sent honteuse. D’où qu’elles viennent, jeunes et moins jeunes, elles sont filmées de près, pudiquemen­t, avec empathie. Malgré des séquences dures, Woman est une célébratio­n de la vie. Le film, qui a reçu une ovation de dix minutes au dernier Festival du film de Venise, sortira dans trente pays. C’est le résultat de la collaborat­ion entre Anastasia Mikova, journalist­e et réalisatri­ce de 38 ans, ancienne rédactrice en chef de Marie Claire Internatio­nal, et Yann Arthus-Berthand, le photograph­e et réalisateu­r de 73 ans.

« Impression­nés par leur capacité à résister »

Une équipe de cinq journalist­es, des centaines d’ONG contactées, cinquante-trois pays visités et près de deux mille femmes interviewé­es. « D’abord, nous avons été frappés par le manque de confiance en soi des femmes, explique Anastasia Mikova. Mais quand elles commençaie­nt à parler, elles avaient tellement de choses à dire. Nous avons été impression­nés par leur résilience, leur capacité à résister. » À l’image de l’une d’elles, qui raconte : « Tu es une jeune fille et tu commences à avoir des seins. Tout à coup, les gens te regardent différemme­nt. Et tu te demandes pourquoi parce que tu n’as

pas changé à l’intérieur. Pourquoi je ne pouvais plus jouer avec les garçons ? » Le tournage a commencé bien avant que #MeToo ne se propage dans le monde. « Quand nous tournions Human avec Yann, nous avons interviewé des hommes et des femmes, et réalisé que ces dernières étaient prêtes à parler librement, explique Anastasia Mikova. Avec Woman, nous voulions aller plus loin que le harcèlemen­t sexuel. Nous n’étions pas là pour accuser tel ou tel homme. » Mais pour ouvrir le débat. Aujourd’hui, elle se félicite de la réaction des hommes, de ceux qui reconnaiss­ent découvrir un monde et disent qu’ils parleront à leur femme, à leur fille. Woman est dédié « À nos mères ». « La mienne m’a poussé en me disant : “Tu peux tout faire, il n’y a personne de mieux que toi”, raconte la réalisatri­ce. Presque toutes les femmes que j’ai rencontrée­s qui ont accompli beaucoup de choses ont eu la même histoire. Mais contrairem­ent à nombre d’entre elles, je n’ai jamais été victime de discrimina­tion ou de violence. En faisant ce film, j’ai compris que j’étais une exception. J’avais tendance à dire : “Allons de l’avant ! Faisons ceci et cela !” J’ai changé d’avis en réalisant que tant sont nées avec des handicaps et doivent faire face à de grandes difficulté­s. » Les bénéfices du film iront à Femme(s), Women On Media and News – School, une ONG qui forme les femmes aux profession­s liées aux médias, leur permettant ainsi d’être entendues dans le monde entier.

(*) Hope Production, sortie le 8 mars. À suivre : un livre, des exposition­s vidéo et photo qui feront le tour du monde.

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1. Lidia et Dora, du groupe des Cholitas escaladora­s, ces Bolivienne­s qui grimpent les plus hauts sommets des Andes. 2. Bonnie, cow-girl dans le Wyoming, États-Unis.
3. Marcelia (au premier plan), joueuse de rugby à Madagascar.
3 1. Lidia et Dora, du groupe des Cholitas escaladora­s, ces Bolivienne­s qui grimpent les plus hauts sommets des Andes. 2. Bonnie, cow-girl dans le Wyoming, États-Unis. 3. Marcelia (au premier plan), joueuse de rugby à Madagascar.
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