Marie Claire

Dans le bureau de Julie Chapon

La cofondatri­ce de l’appli-phénomène Yuka nous raconte son quotidien au travail, entre plaisir de l’impact concret de ses conseils nutrition, tweets sexistes et crossfit avec l’équipe.

- Par Corine Goldberger — Photo Élise Toïdé

Âgée de 32 ans, Julie Chapon a cofondé Yuka, une applicatio­n qui traque les substances dangereuse­s pour la santé dans la compositio­n des produits alimentair­es et cosmétique­s, et compte quinze millions d’utilisateu­rs dans le monde. Sa start-up emploie aujourd’hui quinze personnes.

–Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir au travail ?

Avant, je faisais du conseil en transforma­tion des entreprise­s. Et je ne voyais pas l’impact concret que j’avais au quotidien sur les gens. Aujourd’hui, tous les jours, on reçoit des dizaines de messages d’utilisateu­rs qui nous remercient. Des mères nous disent : « En scannant le code-barres des céréales de mes enfants avec Yuka, j’ai vu qu’elles contenaien­t beaucoup de sucres et de graisses saturées, et j’en ai changé. »

–Quelles qualités profession­nelles admirezvou­s le plus ?

Improviser un discours percutant en public sans notes.

–L’objet fétiche sur votre bureau ?

Mon grigri, c’est notre compteur d’utilisateu­rs, qui tourne en permanence. Nous en avons plus de 15 millions dans le monde et nous fêtons chaque nouveau million. Quand Yuka est présent dans un nouveau pays, notre rituel est d’acheter un petit drapeau du pays et d’organiser un goûter avec des produits locaux. Pour le Canada, des pancakes au sirop d’érable. Pour les États-Unis, des tartines de cheddar fondu.

–Avez-vous déjà connu la misogynie ou le harcèlemen­t sexuel ?

Je l’ai observé à l’Ehdec, à Lille. Côté sexisme, c’était gratiné. Il y avait un journal du campus, qui élisait la « pute du mois » parmi les étudiantes de la promotion, avec un photomonta­ge obscène à l’appui. La direction laissait faire, les auteurs étant soi-disant anonymes. Récemment, après un tweet, j’ai reçu des commentair­es du genre : « Elle est bonne la fille de Yuka. » Et quand ils reçoivent notre mail de bienvenue, où je suis en photo avec mes deux associés, des utilisateu­rs répondent : « Vous êtes bien mignonne » (pour rester polie), sans compter les « je me ferais bien le chapon à Noël ».

Aucune femme ne commente le physique de mes associés.

–Que faites-vous pour tenir le coup ?

On fait beaucoup de sport tous ensemble : course à midi, yoga. On a pris un abonnement en club pour faire du crossfit. Et quand je suis sous pression, j’en parle à mes associés, Benoît et François. Ils stressent beaucoup moins que moi.

–Quelle est la place de votre vie privée ?

En couple et sans enfant. Je travaille beaucoup sur les contenus, la communicat­ion, notre blog de conseils nutritionn­els, mais pas après 20 h, et mon week-end est sacré. Au programme : sport, finalisati­on de mon livre, famille, amis et exposition­s avec mon conjoint. Je n’aime pas du tout ce discours de beaucoup d’entreprene­urs qui disent que pour réussir, il faut sacrifier sa vie privée. Benoît a trois enfants et tous les jours il part à 17 h 30. Il est la preuve qu’on peut monter son entreprise en ayant une vie à côté.

–Pensez-vous que pour faire carrière, il faille choisir le bon partenaire de vie ? Chacun doit comprendre les contrainte­s profession­nelles de l’autre. De plus, j’aurais beaucoup de mal à vivre avec quelqu’un qui se fiche de ce que je fais. Mon conjoint est commissair­e d’exposition de la biennale de Paris, au centre 6B, à Saint-Denis. Ça ne nous empêche pas de trouver des synergies possibles. Par exemple, il me donne un coup de main sur la direction artistique. Et je peux l’aider à trouver des partenaire­s pour organiser ses exposition­s. Quand on s’est rencontré, il ne connaissai­t pas Yuka, ce qui était bien, ça n’a pas interféré dans nos premiers échanges.

–Où déjeunez-vous ?

Souvent ici, au bureau, tous ensemble. On achète chez Naturalia (ou Picard en cas de flemme) de quoi faire des salades, des petits plats cuisinés en commun.

–Votre tenue de combat ?

Une robe pour les grandes occasions. Comme quand j’ai reçu le prix espoir économique de la femme d’influence, et le prix Veuve Clicquot. Sinon, jean baskets T-shirt au quotidien, Ba&Sh, Sézane, comme aujourd’hui.

–Avez-vous déjà été atteinte du syndrome de l’imposteur ?

Je ne me sentais pas concernée. Mais intéressée par le développem­ent personnel, j’ai vu une hypnothéra­peute qui m’a dit que j’avais ce syndrome. J’ai en effet un grand besoin d’approbatio­n des autres, sinon, je ne me sens pas légitime. Et je ne peux pas me légitimer seule. C’est un truc très féminin.

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