La photo d’enfance d’Oxmo Puccino
Le rimeur poète se souvient de l’appartement où il a grandi, à Paris, de la vue sur les grues du chantier Alsace-Lorraine et de l’immense vague immobile qu’il contemplait du haut de la place des Fêtes.
« J’ai 7-8 ans. Et je ne voulais pas choisir une photo de moi tout seul. Ou de moi avec mes potes de primaire. Je tenais beaucoup à ce que ce soit celle- ci parce que j’y suis avec tous mes frères : Mamoutou, le plus jeune – à droite sur les genoux de notre père –, qui sourit et qui veut sûrement que notre mère – qui est derrière l’appareil – le prenne dans ses bras (Mamoutou deviendra joueur international de basket, ndlr) ; à sa gauche, Sirima. L’air très, très sérieux, comme d’habitude. Sirima passait ses journées entières à faire des statistiques ! Il cognait ses petites voitures les unes contre les autres puis notait, dans ses cahiers, des traits, ronds ou carrés, selon si elles étaient restées debout ou s’étaient retournées ou renversées sur le côté… Un jeu d’autiste sur lequel je m’interrogeais alors, souvent. Puis, tout à droite, c’est mon cadet, Daouda. Nous sommes dans l’appartement dans lequel je vais rester jusqu’à mes 20 ans, à Paris, dans le 19e arrondissement. Mes frères et moi partagions la même chambre, donc à partir d’un certain âge nous ne serons plus trop à la maison. Et la vue, depuis nos fenêtres, est justement importante à l’époque puisqu’elle donne sur des grues. Des grues qui sont en train de creuser l’immense cratère sur lequel vont être bâtis une crèche et notre futur “village” : la cité Alsace-Lorraine. Je dis “village” parce qu’avec les cités Gaston-Pinot et Solidarité – et, tout au bout de l’avenue, tous les bâtiments d’après-guerre qui longeaient le périphérique –, nous habitions là une partie de Paris qui n’était ni Paris- centre ni la banlieue. Mais une zone en suspension. Fins de lignes des métros 7bis et 5, près de la porte de Pantin. Pour aller à l’école, je montais à place des Fêtes (qui culmine à 122 mètres, ndlr). Et j’avais comme passe-temps d’observer tout le nord de la ville. Son stress, ses voitures. Ses immeubles, qui formaient comme une immense vague immobile. Le calme dans le bruit. Il n’y a rien de plus beau. »
“J’ai 7-8 ans. (…) Notre mère est derrière l’appareil. Je tenais beaucoup à ce que ce soit cette photo parce que j’y suis avec tous mes frères : Mamoutou, Sirima et Daouda (…) dans l’appartement dans lequel je vais rester jusqu’à mes 20 ans.”
Dernier album paru La nuit du réveil (Believe music). En tournée en France, et à l’Olympia, à Paris, le 30 mars.