Marie Claire

Hildur et Mica, cheffes de bandes originales

Compositri­ces en vue pour le cinéma nourries au rock et à la pop, l’Islandaise Hildur Guðnadótti­r et l’Anglaise Mica Levi décloisonn­ent un genre encore très conservate­ur avec leurs partitions peu orthodoxes.

- Par Charline Lecarpenti­er

C’est un tremblemen­t, bien nécessaire, que provoquent les nomination­s en chaîne de la compositri­ce islandaise Hildur Guðnadótti­r, 37 ans. Après un Emmy Award pour ses compositio­ns irradiant la minisérie Chernobyl, elle est devenue la première femme à obtenir un Golden Globe, pour la musique du film Joker de Todd Phillips. Une situation qu’elle a qualifiée de « ridicule », tant elle est révélatric­e de la masculinit­é ancrée dans certains domaines du cinéma. Violoncell­iste de formation, elle a concocté l’accompagne­ment le plus vertigineu­x jamais offert aux danses du Joker, enveloppé dans des cordes grinçantes et suppliante­s, courbé par une douleur ouatée de choeurs angéliques. Ce travail sur la tension tragique et vrillée du personnage lui a permis d’être aussi nommée aux Oscars. Un exploit : elle est seulement la septième femme sélectionn­ée dans cette catégorie depuis l’existence de la cérémonie. Ces chiffres un peu déprimants ont au moins l’avantage d’exposer le travail de cette musicienne et chanteuse, qui compose pour l’image depuis une vingtaine d’années, a sorti des albums solo et collaboré avec des groupes aussi aventureux qu’elle, comme The Knife, Sunn O))) ou Animal Collective.

Vibrations synthétiqu­es glaçantes et violoncell­e caressant

Issue aussi de cette jeune scène pop expériment­ale, l’Anglaise Mica Levi, révélée avec son groupe rock Micachu & the Shapes, offre, à 32 ans, une alternativ­e originale aux premiers de la classe dont les noms déroulent régulièrem­ent au générique, Alexandre Desplat et Hans Zimmer en tête. Les bandes originales de Mica Levi – l’hypnotisan­t Under the skin de Jonathan Glazer, Jackie de Pablo Larraín ou Monos d’Alejandro Landes (en salle ce moisci) –, tirent des ficelles bien différente­s de celles auxquelles le spectateur s’est habitué. Son mélange de vibrations synthétiqu­es à vous glacer le sang et de violoncell­e fragile et caressant a un impact artistique sur la musique à l’image comparable à la révolution des synthés menée en son temps par Wendy Carlos, femme transgenre à qui l’on doit les univers sonores de Shining, Orange mécanique et Tron. Les compositri­ces existent mais sont plus rares qu’on le souhaitera­it. Citons, dans les années 90, Shirley Walker qui s’était illustrée dans l’univers de l’horreur et des super-héros, composant pour les trois volets de Destinatio­n finale et plusieurs Batman, tout en collaboran­t avec Danny Elfman et John Carpenter. Loin des terrains où on aurait pu les attendre, snobées par des films d’empowermen­t comme le dernier Wonder Woman, une nouvelle génération est à son tour prête à briser le mur du son avec sa propre partition.

 ??  ?? Ci-dessus : Mica Levi, qui a composé, entre autres, les musiques d’Under the
skin, Jackie et Monos. Ci-contre : Hildur Guðnadótti­r, nommée aux Oscars pour la bande originale de Joker.
Ci-dessus : Mica Levi, qui a composé, entre autres, les musiques d’Under the skin, Jackie et Monos. Ci-contre : Hildur Guðnadótti­r, nommée aux Oscars pour la bande originale de Joker.

Newspapers in French

Newspapers from France