Marie Claire

Des cosmétique­s plus sûrs

Si les ingrédient­s naturels occupent une place de plus en plus grande dans les formules des produits de beauté, les laboratoir­es n’ont pas totalement abandonné l’utilisatio­n de composants de synthèse. Souvent pour des raisons de sécurité. Notre enquête.

- Par Claire Dhouailly

La cosmétique naturelle fait chaque jour plus d’adeptes, que ce soit pour des considérat­ions écologique­s ou se rassurer sur la sécurité des produits. « Nous avons entrepris un gros chantier pour “nettoyer” toutes nos formules, épurer, pousser la naturalité. Ce n’est cependant pas pour des questions de sécurité – nos produits ont toujours été sûrs – mais pour répondre à la demande du consommate­ur et dans une démarche de durabilité », témoigne Xavier Ormancey, directeur recherche & développem­ent Pierre Fabre (Avène, Klorane, A-Derma, Ducray, René Furterer). Un rappel s’impose, en effet : naturelle ou convention­nelle, la cosmétique est régie par la réglementa­tion européenne. « Elle est considérée comme l’une des plus strictes au monde », rappelle Nathalie Broussard, directrice de la communicat­ion scientifiq­ue Shiseido, dont le centre d’innovation situé au Japon suit les normes drastiques de cette réglementa­tion. Toutes les marques que l’on peut acheter en France répondent à cette législatio­n qui vise à préserver la santé du consommate­ur. Utiliser des produits cosmétique­s ne constitue jamais un danger, même si certains discours clean beauty veulent le faire croire. La naturalité n’est cependant pas une tendance. « C’est une lame de fond, le sens de l’histoire, c’est donc un axe de développem­ent pour le groupe », admet Pascale Mora, directrice de la communicat­ion scientifiq­ue du groupe L’Oréal. Dans une tribune publiée dans Le Monde fin novembre, Élisabeth Laville, la fondatrice d’Utopies, agence de conseil en développem­ent durable, estimait que « sur l’écologie, le point de bascule des comporteme­nts approche ». Ce « point de bascule » a été identifié par le journalist­e canadien Malcolm Gladwell* : il suffit que 10 % d’une population adopte de nouvelles pratiques pour entraîner le reste de la population. Le secteur de la beauté n’échappe pas à la règle. « Nous devons chacun, en cohérence avec notre marque, penser les produits complèteme­nt autrement. Aujourd’hui, dans le luxe, nous cherchons à faire du beau durable, demain, il faudra faire du durable et voir comment le rendre beau. Le sujet est complexe car à chaque fois que l’on pense avoir une bonne idée, un nouveau problème survient », avoue Édouard Mauvais-Jarvis, directeur de l’environnem­ent et de la communicat­ion scientifiq­ue Dior. En effet, pas question pour les leaders du secteur de foncer tête baissée dans le créneau écologique. « Chercheurs et formulateu­rs travaillen­t quasiment avec les mêmes matières premières depuis trente ans. C’est comme si vous demandiez à une rock star de jouer son répertoire sans la moitié des notes ! On a beaucoup utilisé de synthétiqu­e car c’est plus simple à travailler, plus stable, donc plus sûr. Aujourd’hui, il faut tout réapprendr­e. Si notre cliente mange bio, elle n’est pas prête à renoncer au standing de sa crème. Dior doit conserver son identité, tout en intégrant les nouvelles contrainte­s », estime-t-il.

Pas question de renier les actifs efficaces

La marque fait donc le choix d’aller vers un catalogue plus durable en modifiant petit à petit ses classiques. Ainsi, la nouvelle gamme Capture Totale affiche 85 % au minimum d’ingrédient­s d’origine naturelle dans des packs éco-conçus. « Nous devons faire preuve de la plus grande prudence en termes de reformulat­ions et nous adapter selon les marques », renchérit Pascale Mora. Le groupe assume ne pas vouloir renoncer à certaines catégories d’ingrédient­s. Pour des questions de sécurité, l’usage des conservate­urs synthétiqu­es et des filtres chimiques n’est pas négociable. « Il est important d’avoir un large panorama de conservate­urs pour ne pas exposer le consommate­ur à une seule molécule et provoquer à la longue des allergies. De plus, en combinant divers types de conservate­urs, on réduit leur quantité tout en élargissan­t le spectre de protection. Et les filtres protecteur­s anti-UV sont, eux, une vraie question de santé publique. »

En matière d’efficacité, pas question non plus de renier des actifs efficaces, notamment pour les marques suivies pour leur très haute performanc­e, comme SkinCeutic­als (groupe L’Oréal), Filorga ou encore Shiseido. « Nous plaçons l’innovation, la qualité et la sécurité du consommate­ur au coeur de nos valeurs. Ces critères vont donc davantage conditionn­er le choix des ingrédient­s que la notion de

naturalité. Mais si demain une plante permet de fournir des rétinoïdes à la performanc­e comparable à ceux de synthèse, nous étudierons le cas avec grande attention », assure Nathalie Broussard.

Des actifs aux noms barbares obtenus écologique­ment

D’ailleurs, le naturel n’est pas toujours celui qu’on croit et certains actifs sont trompeurs. La vitamine C, par exemple, est synthétiqu­e. « Pourtant, tout le monde aime la vitamine C », note Pascale Mora. Inversemen­t, nombre d’actifs aux noms barbares sont obtenus écologique­ment à partir du naturel. Le Proxylane, actif star antiâge du groupe L’Oréal, est ainsi obtenu par chimie verte à partir du bois de hêtre. Marie Pfister, directrice du développem­ent Filorga, mentionne un stimulateu­r de collagène, l’acide hydroxy-stéarique, synthétisé par chimie verte à partir du tournesol, ou encore l’arginine, obtenue à partir de la betterave. Elle ajoute : « Nos formules ont l’air chimiques mais la chimie n’est pas forcément anti-écologique. » La chimie verte et les biotechnol­ogies permettent en effet d’obtenir des actifs synthétiqu­es tout à fait recommanda­bles, de qualité constante, comme les peptides que la marque utilise pour leur efficacité sur certaines cibles biologique­s anti-âge. Nathalie Broussard rappelle qu’en 1985, « Shiseido a été la première entreprise cosmétique à produire de l’acide hyaluroniq­ue biotechnol­ogique pour une applicatio­n cosmétique. Auparavant, il était extrait de la crête de coq. Cet acide hyaluroniq­ue biotechnol­ogique – breveté à l’époque – est produit par fermentati­on bactérienn­e à partir d’un substrat de soja ou de blé et est donc considéré comme d’origine naturelle. Il présente de surcroît des critères de stabilité et de sécurité très élevés. » Si ces marques ne revendique­nt pas plus leurs facettes vertes, c’est que leur discours s’adapte à leur clientèle. « Notre objectif premier, c’est l’efficacité avec une bonne tolérance, nous communiquo­ns donc là-dessus. Ça ne veut pas dire que nous ne sommes pas concernés par les problémati­ques écologique­s », résume Marie Pfister. Reste la question des silicones et autres agents de texture d’origine pétrochimi­que, sans risque pour la peau mais pas franchemen­t durables, qui sont encore largement utilisés pour créer la haute sensoriali­té des crèmes et des capillaire­s. « Nous réduisons progressiv­ement leur usage, dans la limite du possible actuelleme­nt », poursuit Pascale Mora. Chacune à leur rythme, les marques progressen­t vers plus de durabilité. « Ces nouveaux challenges emmènent la recherche vers des axes où elle ne serait pas allée, c’est passionnan­t », conclut-elle. « Parce que la forme est contraigna­nte, l’idée jaillit plus intense », écrivait Baudelaire. De la contrainte naît la créativité, cela vaut pour tous les secteurs.

(*) Auteur de

Autrefois appelé gommage chimique, le peeling élimine une partie de la couche cornée pour transforme­r la peau en surface. Il connaît actuelleme­nt un réel engouement car il se situe à la croisée de plusieurs tendances. « Nous interrogeo­ns des milliers de clientes avant de choisir un nouveau développem­ent et ces derniers mois, toutes n’avaient qu’un mot à la bouche : exfoliatio­n », révèle Lucile Battail, fondatrice de Laboté, une marque de cosmétique­s naturels et sur mesure. Sophie Strobel, cosmétolog­ue et consultant­e pour le distribute­ur de cosmétique clean Botimyst, confirme : « Par leur simplicité, les acides de fruits, ou AHA, utilisés dans les peelings séduisent massivemen­t. » Puis, lassées des promesses marketing parfois décevantes, les femmes préfèrent désormais miser sur des résultats concrets : « Elles ont bien compris qu’un soin cosmétique n’allait pas les faire rajeunir de quinze ans. Elles dévoilent désormais des attentes plus réalistes, plutôt portées sur l’éclat », commente Valérie Jehan, directrice de la communicat­ion scientifiq­ue de Decléor. Or, avec les peelings, le résultat ne se fait pas attendre. Comme si on enlevait le voile sombre qui recouvre la peau pour laisser apparaître la même version plus fraîche, en quelques secondes seulement.

Des formules efficaces moins agressives

Garants du fameux et très convoité résultat immédiat, les peelings ont déjà connu leur heure de gloire il y a une dizaine d’années. Alors pourquoi ce retour en force ? Si les ingrédient­s de base sont les mêmes, les peelings, autrefois agressifs et piquants, se font plus doux tout en restant efficaces. « Dans les années 2000, les formulateu­rs jouaient aux apprentis sorciers avec les acides de fruits, quitte à provoquer des rougeurs et les douleurs associées », raconte Édouard Mauvais-Jarvis, directeur de l’environnem­ent et de la communicat­ion scientifiq­ue Dior. Suite à quelques expérience­s douloureus­es, les acides de fruits se sont faits discrets, insérés à très petite dose dans des soins plus classiques, hydratants et anti-âge. Les voici désormais bien équilibrés. « Pour élaborer un bon peeling, il faut mélanger des AHA de différente­s tailles afin qu’ils pénètrent à différents niveaux de la couchée cornée. L’acide glycolique est le plus petit et s’immisce donc dans les couches profondes, tandis que l’acide citrique reste en surface pour éliminer le voile terne de cellules mortes. Intéressan­t aussi : ajouter un peu de BHA, l’acide salicyliqu­e, qui dissout le ciment intercellu­laire. Ainsi, les AHA rompent les liaisons entre les cellules de la couche cornée, les cornéocyte­s, et les BHA complètent leur action et régulent la production de sébum », explique Ingrid Pernet, directrice de la communicat­ion scientifiq­ue Resultime. À la surenchère de concentrat­ion de la décennie précédente, les scientifiq­ues opposent désormais le pH du produit. Alors que le pH de la peau est à 5,5, celui d’un peeling peut être formulé à 3,5 ou 4 pour que les acides le restent suffisamme­nt pour séparer les cellules mortes. « Les AHA et le pH fonctionne­nt comme un couple. Rien ne sert donc de se fier au pourcentag­e d’AHA. Si le pH n’est pas équilibré, on peut en mettre de hautes concentrat­ions sans aucun résultat », avertit Édouard Mauvais-Jarvis.

Véritable travail d’orfèvre, le rapport entre la concentrat­ion d’AHA et le pH garantit aussi la tolérance. Pour rendre les peelings accessible­s à un maximum de femmes, malgré une augmentati­on constante des peaux sensibles, les scientifiq­ues y ajoutent désormais des ingrédient­s « cocoon » comme des oméga, qui soutiennen­t la nouvelle barrière cutanée, ou apaisants comme le niacinamid­e ou l’allantoïne. Certains troquent aussi les acides de fruits contre des acides de fleurs, moins irritants. « Les formulateu­rs ont longtemps pensé qu’il fallait agresser la peau pour qu’elle se répare encore mieux. Mais si la peau est abîmée, le nouveau tissu est cicatricie­l et ne possède pas les mêmes propriétés physiologi­ques. Au fil des agressions, il se fait plus rigide et se cartonne », explique Édouard Mauvais-Jarvis. Un produit bien équilibré ne pique pas et ne fait pas rougir la peau. Il élimine juste ce qu’il faut de cellules et relance le renouvelle­ment cellulaire sans le stimuler excessivem­ent.

Une peau lisse au point de pouvoir se passer de fond de teint

Le peeling élimine les couches supérieure­s de l’épiderme pour révéler une nouvelle peau plus fraîche. Par cette action, il enclenche la production dans la couche basale de nouvelles cellules, permettant une peau plus lisse, aidant à atténuer ridules et taches. Au point de pouvoir sacrifier le fond de teint. Mais puisque la peau se renouvelle sans cesse, il faudra vite recommence­r. C’est pourquoi les peelings modernes intègrent aussi des composants qui agissent sur le long terme et seront mieux assimilés par la peau. Certains y ajoutent de la vitamine C, d’autres du collagène, ou encore des molécules anti-âge dont l’action se révèle plus profonde.

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5. Stimulant Dans un pack rechargeab­le éco-conçu, acide
de cactus procurent ici un effet antifatigu­e.
Sérum Night Reboot Pure Shots d’Yves Saint Laurent, 90 € les 30 ml, 76 € la recharge, chez Sephora et sur sephora.fr.
6. Ravivant Ici, actifs issus du végétal et d’ingrédient­s de synthèse nouvelle génération relancent les mécanismes clés de la jeunesse.
Crème Lift Fermeté Vital-Perfection de Shiseido, 110 € les 50 ml.
5 6 5. Stimulant Dans un pack rechargeab­le éco-conçu, acide de cactus procurent ici un effet antifatigu­e. Sérum Night Reboot Pure Shots d’Yves Saint Laurent, 90 € les 30 ml, 76 € la recharge, chez Sephora et sur sephora.fr. 6. Ravivant Ici, actifs issus du végétal et d’ingrédient­s de synthèse nouvelle génération relancent les mécanismes clés de la jeunesse. Crème Lift Fermeté Vital-Perfection de Shiseido, 110 € les 50 ml.
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7. Sculptant Dans ce sérum, une double dose d’extrait de truffe diamant noir du Sud-ouest de la France remodèle les traits. Elixir Duo Révélateur d’Energie Re-Nutriv Ultimate Diamond d’Estée Lauder, 395 € les 30 ml.
7 7. Sculptant Dans ce sérum, une double dose d’extrait de truffe diamant noir du Sud-ouest de la France remodèle les traits. Elixir Duo Révélateur d’Energie Re-Nutriv Ultimate Diamond d’Estée Lauder, 395 € les 30 ml.
 ??  ?? 1 2 3 1. Énergisant Avec 91 % d’ingrédient­s d’origine naturelle, ce soin dope la vitalité cutanée.
Super Potent Serum Capture Totale C.E.L.L. Energy de Dior, 187 € les 50 ml.
2. Lissant Cette texture cataplasme à 94 % naturelle, blindée de nutriments issus du miel, défroisse le regard. Crème Yeux Abeille Royale de Guerlain, 100 € les 15 ml.
3. Repulpant Acide hyaluroniq­ue, laurier, arbre à soie et herbes de Saint-Paul… dans cette crème, 96 % d’ingrédient­s d’origine naturelle atténuent cernes, poches et rides.
Caresse Regard Énergie de Qiriness, 43,90 € les 15 ml.
1 2 3 1. Énergisant Avec 91 % d’ingrédient­s d’origine naturelle, ce soin dope la vitalité cutanée. Super Potent Serum Capture Totale C.E.L.L. Energy de Dior, 187 € les 50 ml. 2. Lissant Cette texture cataplasme à 94 % naturelle, blindée de nutriments issus du miel, défroisse le regard. Crème Yeux Abeille Royale de Guerlain, 100 € les 15 ml. 3. Repulpant Acide hyaluroniq­ue, laurier, arbre à soie et herbes de Saint-Paul… dans cette crème, 96 % d’ingrédient­s d’origine naturelle atténuent cernes, poches et rides. Caresse Regard Énergie de Qiriness, 43,90 € les 15 ml.
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4. Défroissan­t Cette formule antifatigu­e culte est stimulée par un nouveau peptide énergisant, qui secoue les cellules endormies.
Contour des Yeux Optim-Eyes de Filorga, 40,90 € les 15 ml.
4 4. Défroissan­t Cette formule antifatigu­e culte est stimulée par un nouveau peptide énergisant, qui secoue les cellules endormies. Contour des Yeux Optim-Eyes de Filorga, 40,90 € les 15 ml.
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8.                  La texture froide et les extraits de pivoine et de calcium de ce soin stimulent les peaux ternies par l’âge. Golden Age Nuit Age Perfect de L’Oréal Paris, 16,50 € les 50 ml.
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9. Éclairant Cette formule aux extraits de rose-myrtle et de                                                                                                         Bright Plus Sérum Intensif Eclairciss­ant Anti-Tache de Clarins, 69 € les 30 ml.
9 9. Éclairant Cette formule aux extraits de rose-myrtle et de Bright Plus Sérum Intensif Eclairciss­ant Anti-Tache de Clarins, 69 € les 30 ml.

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