Marie Claire

Mode Années 20, folles et follement modernes

Franges, plumes, coupes garçonnes, motifs Art déco : cent ans après, le style des Années folles, période de joyeux bouleverse­ments, est à l’honneur chez les créateurs de mode. Et donne du mordant au printemps. Décryptage.

- Par Nathalie Dolivo

Dans l’idéal, il faudrait presque lire cet article en écoutant un vinyle de jazz. Un Sidney Bechet ou un Jelly Roll Morton, grésillant mais puissant. Un air qui, tout de suite, rappellera­it l’énergie sidérante ayant traversé les années 20, en Occident. Cette onde créative magistrale, c’est elle que certains créateurs d’aujourd’hui ont convoquée sur les podiums du printemps-été – et même de l’hiver à venir. L’évocation est amenée par petites touches. Rien de littéral qui donnerait l’impression d’une tenue déguisée pour une soirée à thème « Gatsby », ni de bêtement passéiste. En ce centenaire naissant s’exprime un désir feutré, mais réel, de faire de nouveau vrombir ce tempo enthousias­mant des années folles, histoire de donner à notre époque anxiogène un peu de peps. Bienvenue dans les « néo-roaring twenties » !

On pourrait presque y croire. Kaia Gerber, mannequin star et fille de Cindy Crawford, ne s’est-elle pas offert une coupe au carré court, charleston­ienne en diable, sacrée coiffure de la saison ? Chez Prada, les franges ont virevolté, les robes plates à taille basse ont redessiné la silhouette et on a même ressorti les chapeaux cloches. Chez Chanel, les perles étaient de rigueur ainsi que les petits tailleurs, indémodabl­es, tels que sanctuaris­és par la grande Gabrielle elle-même. Mais avec un swing très XXIe siècle ! Chez Vuitton aussi, maison pourtant habituée aux références futuristes,

Nicolas Ghesquière a rendu hommage à cette allure moderniste typique des années 20, bibis et blouses vaporeuses. Puis il y a toutes les collection­s présentées lors des fashion weeks, de Milan à New York, où ces éléments distinctif­s des Années folles ont soudain fait irruption. À Londres, le designer Erdem Moralioglu est allé jusqu’à s’inspirer des photograph­ies de Cecil Beaton : ces portraits réalisés entre 1920 et 1930 donnant lieu ces jours-ci à une exposition à la National portrait gallery 1). En ce mois de février 2020, les man

( nequins ont donc rejoué avec grâce les Bright young people de l’entre-deux-guerres britanniqu­e. Erdem n’est pas le seul à revendique­r son attachemen­t au passé : le jeune Paul Andrew, à la tête de la maison Ferragamo, explique lui aussi avoir trouvé l’inspiratio­n dans des écrits du psychanaly­ste Carl Jung datant de la même époque.

Damned ! Le voyage dans le temps serait-il une lubie pour créateurs nostalgiqu­es ? Pas vraiment puisque cette rétromania va bien au-delà. Dans l’univers de la décoration, par exemple, le flirt avec l’Art déco n’en finit pas. « Le laiton, le velours, la passemente­rie, les motifs géométriqu­es, les papiers peints, les paravents, les luminaires en laiton et opaline… l’Art déco est une valeur sûre et une tendance installée, qui ne se dément pas », confirme Elizabeth Leriche, directrice du bureau de style du même nom. Les lieux inspirés par cette 1. Motif Art déco. 2. Anna May Wong dans The Honorable

Mr. Buggs, 1927. 3. La moquette Miu Miu pour au palais d’Iéna. de plage Schiaparel­li 8. The silver soapsuds 1930. 9. Dessin été 2020.

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