Marie Claire

Portrait Marine Turchi, celle qui a changé la vie d’Adèle

- Par Françoise-Marie Santucci

Pendant sept mois, cette journalist­e de “Mediapart” a mené l’enquête qui a permis à l’actrice Adèle Haenel de dénoncer les agressions sexuelles dont elle fut victime dans sa jeunesse. Depuis, les conséquenc­es de cette investigat­ion hors-norme se vérifient chaque jour un peu plus, par la libération de la parole des femmes. Pour la première fois, Marine Turchi a accepté de parler de son travail. D’en raconter la rigueur et la méthode. “Incorrupti­ble”, nous dit Adèle Haenel.

Quand on la contacte pour lui proposer un portrait, elle répond : « Je n’aime pas les mises en avant. Les journalist­es doivent s’effacer derrière leur sujet. Ce qui m’importe, c’est de parler de notre travail, des personnes que l’on rencontre dans nos enquêtes, qui, courageuse­ment, témoignent (…) y compris, et surtout, dans les affaires de violences sexuelles. » Nous sommes chez Mediapart, près de la place d’Aligre à Paris, dans l’une des pièces, isolées et sans apprêt, réservées aux rendez-vous. Elle précise : « Je ne veux pas me soumettre à l’exercice de la photo. » Et ajoute : « Évoquer ma vie privée n’a aucun intérêt. » Là, normalemen­t, dans le monde ancien du journalism­e, on remercie et on part. Un portrait, c’est un contrat implicite, du donnant- donnant : si l’on vous éclaire, donnez-nous de la chair.

Mais aujourd’hui, tout n’est-il pas différent ?

Le monde ancien, dans son ensemble, vacille depuis l’affaire Weinstein et #MeToo. Un univers de pouvoirs masculins souvent solidement établis, un univers d’entre-soi, d’aplomb et d’abus sexuels, parfois. Tout cela porté à un degré rare d’impunité et/ou d’aveuglemen­t dans les sphères de la culture : cinéma et littératur­e ne sont-ils pas des lieux où, à l’aune de la création, tout était et est encore ( parfois) permis ?

Marine Turchi, 37 ans, journalist­e à Mediapart, est de celles et ceux qui démontrent que l’impunité n’est plus possible. En « sortant », comme on dit dans le jargon, « l’affaire Adèle Haenel », elle a signé l’une des plus fracassant­es enquêtes de ces dernières années. C’était le dimanche 3 novembre 2019, à 19 heures ; Mediapart met en ligne un article intitulé « #MeToo dans le cinéma : l’actrice Adèle Haenel brise un nouveau tabou ». Il est long, très long – trois fois la taille de celui que vous lisez. Avec une précision « chirurgica­le », Marine Turchi déroule sept mois d’enquête, donne la parole à plus de trente personnes, accumule les dates, témoignage­s, extraits de lettres et de carnets. De ce millefeuil­le ultra- détaillé ressort ceci : à partir de 2001, et pendant trois ans, Christophe Ruggia, un cinéaste alors âgé de 36 ans, aurait sexuelleme­nt agressé et harcelé Adèle Haenel, une actrice débutante âgée de 12 ans.

Le lendemain de la publicatio­n de l’article, Adèle Haenel est invitée par Mediapart : une émission spéciale en direct et en accès gratuit (à l’inverse du site, payant) y est animée par son patron et cofondateu­r Edwy Plenel et par Marine Turchi. L’actrice doublement césarisée nous dit aujourd’hui : « J’étais un peu nerveuse avant

(1) l’émission. Je tenais à avoir une réflexion sur tout cela. Je m’y étais soigneusem­ent préparée. Au pire, si les mots avaient eu du mal à sortir, je me disais qu’il y aurait toujours l’article de Marine, extrêmemen­t solide. » Mais elle arrive à parler. Elle s’adresse à toutes les âmes, touche tous les coeurs 2). Vibrante d’une colère contenue, à

( fleur de peau et sans flancher, Adèle Haenel donne soudain une voix, un visage, un corps, à celles et ceux qui ne veulent plus se taire. Elle dit s’exprimer pour « remettre le monde dans le bon sens » , en appelle à une prise de conscience de la société tout entière. C’est une déflagrati­on. L’affaire est unique par son retentisse­ment, par le statut même de l’accusatric­e, une femme « puissante » qui s’assume en tant que telle, mais elle est aussi tristement banale en ce qu’elle révèle des violences faites aux femmes et aux mineur.e.s. Elle précède l’affaire Matzneff et l’affaire Abitbol, survient après les dossiers Denis Baupin ou Roman Polanski, et en parallèle de ceux impliquant Luc Besson, Tariq Ramadan ou Gérald Darmanin 3).

( Cela semble infini. Ça l’est, et c’est aussi pour cette raison que Marine Turchi a accepté le rendez-vous avec Marie Claire. « Parce que les violences sexuelles, c’est un gigantesqu­e problème de santé publique. »

Mais comment en arrive-t-on là ? Comment se retrouve-t-on au coeur d’une telle conjonctio­n d’affaires ? (Elle a écrit et écrit encore, avec des collègues de Mediapart, sur les dossiers impliquant Matzneff, Besson, Ramadan, Polanski et Darmanin).

Sans vouloir « faire des phrases grandiloqu­entes sur la vocation de journalist­e », Marine Turchi avance une « passion » pour la politique depuis qu’elle est « gamine », doublée d’une « recherche de la vérité ». Après le bac, elle suit, au début des années 2000, des études de sciences politiques à Lille puis de journalism­e dans l’école (réputée) de cette même ville, l’ESJ. En tout, elle passe sept ans dans le Nord. « C’était passionnan­t, un super enseigneme­nt, et loin du microcosme parisien. » Son sujet de prédilecti­on, très vite, sera la droite extrême. Elle se défend d’un quelconque « jugement moral » sur la question, avance une approche nourrie de « sociologie politique » : « Ce qui m’a toujours intéressée, c’est de comprendre ce qui motivait les gens à voter pour l’extrême droite. »

Elle arrive à Paris en juin 2007, diplômée et multiprimé­e (elle a raflé trois prix de jeune journalist­e à l’ESJ), mais ne connaissan­t personne, et avec « zéro carnet d’adresses ». L’un de ses prix lui permet d’effectuer un stage à Télé 2 Semaines, tout en tenant, en parallèle, un blog sur… la politique. « Je commentais la couverture médiatique de la présidence Sarkozy, car je trouvais qu’il imposait son propre agenda à de nombreux médias. » Et tant pis si les lecteurs sont rares ; elle le fait avant tout pour elle.

Quelques mois plus tard, à l’automne 2007, Edwy Plenel annonce le lancement de Mediapart. Parmi les lettres de candidatur­e qui affluent, celle de Marine Turchi, envoyée, sans trop y croire, avec un CV bien

maigre. Mais on la rappelle. Elle se souvient parfaiteme­nt des deux questions posées lors de l’entretien (avec l’un des cofondateu­rs du site) : « Alors, vous et le journalism­e ? » ; « Vous aimeriez traiter quoi, dans l’idéal ? » La première question entraîne une réponse qui « dure des heures » , la seconde aussi, qui peut néanmoins se résumer à : « L’extrême droite. »

La voilà embauchée. Elle est la plus jeune de l’équipe et se retrouve à écrire sur l’extrême droite et la droite. On lui confie les deux car à l’époque, « Nicolas Sarkozy a tellement siphonné le Front national qu’on pense que ce dernier est fini ». D’emblée, Marine Turchi évite la familiarit­é avec ses sources, même les attachés de presse, elle refuse les tutoiement­s bien que ses contacts affectionn­ent la connivence. Ça grince mais elle tient bon. « J’ai 25 ans, je porte des Converse, un député m’appelle Poupée. » À ce député, qui lui donne aussi du « Petite », elle fait observer qu’il fait une tête de moins qu’elle. Il répond : « Ce n’est pas la taille qui compte, c’est la position. » Des phrases « collector » de ce style, elle en a de quasiment tout le monde politique. En parallèle du suivi de la droite, elle continue d’arpenter les chemins de traverse. Là où plus grand monde ne regarde : le Front national.

Au fil des années, cette constante, cette vocation, se paieront au prix fort. Des proches de Marine Le Pen lui disent : « J’accepte de vous parler, mais quand vous viendrez nous voir, je vous jetterai des cailloux avec les autres. » Elle devient la bête noire du FN, et notamment des anciens du GUD. En janvier 2015, une poignée d’entre eux la pourchasse­nt et la menacent de mort en plein Paris. Les faits se déroulent dans le 16e arrondisse­ment, sa « no go zone » à elle, où beaucoup d’ex-gudards ont pignon sur rue. Cette fois-là, le plus virulent de la bande lui en veut particuliè­rement depuis qu’elle a révélé sa fraude… à Pôle emploi. Malgré tout, les sources haut placées au sein de l’appareil du FN ne manquent pas. Sauf qu’il n’est pas aisé d’être un informateu­r. Ainsi, l’un d’eux, croyant l’appeler, compose un jour le numéro de l’autre Marine (Le Pen), et dit : « Allô, Marine Turchi ? » Elle sourit encore du quiproquo. Mais à chaque scoop, à chaque enquête sur ce qui devient le Rassemblem­ent national, c’est la curée ; des centaines de coups de fils malveillan­ts et de textos d’insultes. Son domicile est localisé. « C’est ainsi que j’ai pris l’habitude de me protéger, de ne rien révéler de personnel. Pour éviter, par exemple, que des militants d’extrême droite n’aillent sonner chez ma famille. » Néanmoins, les enquêtes s’enchaînent. « On les a fait sortir de l’ombre », dit-elle. Malgré « le discours officiel sur la dédiabolis­ation » entreprise par Marine Le Pen, les électeurs ont « le droit de savoir qu’il y a des éléments radicaux dans son premier cercle, qui n’apparaisse­nt pas dans l’organigram­me officiel, ou que le Rassemblem­ent national est financé en partie par de l’argent russe ».

Si elle ressent la « fierté immense » d’avoir gagné tous ses procès au fil des années 4), « bien sûr qu’on en a par

( fois marre ». Cette pression permanente renforce encore sa méthode de travail journalist­ique : la rigueur, la rigueur, la rigueur. Ses détracteur­s, et ils sont nombreux, dénoncent malgré tout des partis pris derrière ce qui devient sa « patte », cette extrême méticulosi­té. « Tant de talent avec tant de partialité ! » avait twitté l’ex-magistrat Philippe Bilger à la suite d’une enquête sur Robert Ménard. Marine Turchi balaie l’allusion : « Je m’en tiens aux faits. Ma question est toujours très simple : c’est vrai ou c’est faux ? » Adèle Haenel ajoute : « J’ai une confiance absolue en elle, je pense qu’elle est incorrupti­ble. »

À ce stade, quand même, la question du pourquoi s’impose. Pourquoi, au fond, fait-elle ce métier ? « Parce que j’aime mener des enquêtes utiles et d’intérêt public. » La dose de courage nécessaire ? « Non, les courageux, ce sont les gens qui osent parler. » Mais y a-t-il autre chose dans sa vie ? Elle éclate de rire. « Si j’ai une vie perso ? Oui, bien sûr ! Et puis ici, à Mediapart, on travaille collective­ment. Je discute beaucoup avec mes collègues, dont Lenaïg Bredoux et Michael Hajdenberg, cela permet de réfléchir mais aussi de vider son sac, d’évacuer. On travaille à fond, mais l’été, je coupe tout pendant deux mois. »

En 2017, Marine Turchi intègre le service Enquête. En plus de l’extrême droite, elle traitera des affaires d’abus sexuels. Une autre forme de violence. « La violence ne vient pas du même endroit, explique-t-elle. L’extrême droite, y compris les sources, se vit dans l’adversité

“J’aime mener des enquêtes d’intérêt public. (…) Les courageux, ce sont les gens qui osent parler.”

Marine Turchi

et la méfiance permanente avec les journalist­es. Dans les dossiers de violences sexuelles, les victimes sont parfois en grande difficulté, elles ont besoin d’être entendues et peuvent vous appeler n’importe quand, car elles ne sont pas forcément accompagné­es d’un.e avocat.e, ou d’une associatio­n. »

Néanmoins, comme toutes les enquêtes, celles sur les violences sexuelles obéissent à des règles strictes, explique Marine Turchi : « Il y a le temps de l’écoute, puis celui de la vérificati­on. » Les histoires qui lui sont racontées sont très dissemblab­les, ses interlocut­eurs n’étant pas forcément au même stade de prise de conscience – vis-à-vis de la justice, du mis en cause, de la famille, de soi-même. Si l’enquête est lancée, la journalist­e détaille ce qui peut arriver une fois l’article publié : la médiatisat­ion, la pression, l’impossibil­ité du retour en arrière. Surtout, elle indique à ses sources comment elle procède. « Plus l’enquête est béton, moins les victimes seront fragilisée­s. J’encadre toujours leur parole par celles de témoins, et/ou par des documents. » Elle leur explique qu’il est également « dans leur intérêt de ne rien mettre sous le tapis, même ce qui peut sembler aller “contre” elles ». Car non, il n’y a pas de « victime “parfaite”, dont la vie, la tenue, le comporteme­nt seraient irréprocha­bles ».

Adèle Haenel et Marine Turchi se croisent en avril 2019, lors d’une fête qui rassemble « une centaine de personnes » : en fin de soirée, par hasard, elles sont quelques femmes qui se retrouvent à discuter. Très vite, elles abordent la question #MeToo. Adèle Haenel se souvient : « C’était la deuxième fois, en quelques mois, que j’entendais dans des groupes de femmes se raconter des histoires d’agressions sexuelles. C’était dingue. Tout le monde en avait une… Quant à moi, je cherchais à agir. Il me semblait nécessaire de parler, eu égard à l’impunité totale de mon agresseur qui s’apprêtait à refaire un film avec des adolescent­s, en reprenant les mêmes noms de personnage­s que Les diables 5). » Ce soir-là, l’une des

( femmes du petit groupe précise que Marine Turchi est journalist­e, qu’elle suit les affaires de violences sexuelles. Deux jours plus tard, Marine Turchi et Adèle Haenel se revoient. Deux longues interviews, puis l’actrice retrouve des lettres de Ruggia, ses propres carnets, donne des noms de personnes à appeler. L’enquête peut commencer, de longue haleine. Avec le recul, Adèle Haenel pense que « Marine Turchi n’est pas dans l’affect, elle ne se laisse pas emporter par des émotions soudaines ou des réactions à chaud. Bien au contraire, elle est minutieuse, lucide, courageuse. Et même dans les moments où le vent souffle fort, elle reste calme ».

Le tournant du dossier a une date : juin 2019. Marine Turchi contacte une ex-compagne de Christophe Ruggia, la réalisatri­ce Mona Achache, et lui dit : « Je vous appelle à propos d’accusation­s de violences sexuelles qui visent Christophe Ruggia. » S’ensuit un « grand blanc ». Puis Mona Achache répond en prononçant, « la première », le nom d’Adèle Haenel. Comme une trentaine de personnes, la réalisatri­ce acceptera de s’exprimer ouvertemen­t. Les souvenirs des uns et les anecdotes des autres accréditen­t la parole de l’actrice. Encore faut-il recueillir le témoignage de Christophe Ruggia – soit le « contradict­oire » en langage Mediapart, le témoignage du mis en cause. Nous sommes alors en octobre 2019. Marine Turchi cherche, à plusieurs reprises, à joindre le cinéaste. « Je souhaitais vraiment qu’il me réponde. Le contradict­oire, ce n’est pas un gadget pour faire joli. C’est crucial de recueillir la version des personnes mises en cause, et d’ailleurs, cela renforce l’article. » Mais Ruggia reste muet. Elle finit par lui envoyer des questions détaillées sur l’affaire, tout en lui tendant « une perche », sur le thème : « Est-ce que vous avez pu

“Elle n’est pas dans l’affect (…) Bien au contraire, elle est minutieuse, lucide, courageuse.”

Adèle Haenel

avoir une attitude, des gestes, dont vous n’auriez pas mesuré les conséquenc­es ? » Et s’il avait reconnu un comporteme­nt tendancieu­x, voire des agressions sexuelles ? « Bien sûr que je l’aurais intégré à l’article ! Nous aurions eu son cheminemen­t à elle, comment passer du silence à la parole ; et de l’autre côté, ce qui se déroule dans la tête de la personne mise en cause. » Sauf que le silence persiste. Enfin, Christophe Ruggia fait brièvement savoir par ses avocats qu’il nie tout « harcèlemen­t » ou « attoucheme­nt » – ce qui sera intégré à l’article. Puis, le 6 novembre, trois jours après la publicatio­n de l’enquête, le cinéaste adresse un droit de réponse à Mediapart, « qu’on a tout de suite publié » : il y reconnaît une « emprise » sur l’actrice mais continue de réfuter les agressions sexuelles. Le jour même, cependant, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminai­re 6). Peu de temps après, Adèle Haenel, qui en

( avait écarté l’idée au départ, porte plainte. « J’ai conscience d’avoir bénéficié d’une enquête journalist­ique que n’auront pas la plupart des femmes victimes de violences, dit- elle à Marie Claire. Par conséquent, suite à l’ouverture de l’enquête par le parquet et dans le but de faire avancer les choses, je devais porter plainte. Car que reste-t-il aux femmes qui ne sont pas dans l’espace médiatique, sinon la justice ? »

Depuis le mois de novembre, Marine Turchi reçoit un grand nombre de signalemen­ts de violences sexuelles – plus de 400 mails, lettres, ou alertes via les réseaux sociaux 7). Tous se réfèrent au déclic provoqué par la

( parole d’Adèle Haenel, tous évoquent une immense douleur, la difficulté à parler contre des « puissants », à parler tout court. Certains de ces récits ont déclenché des enquêtes en cours. Certains seulement, car un choix est fait au sein de la rédaction de Mediapart, de manière collégiale, suivant des critères multiples, forcément subjectifs, parmi lesquels : l’ancienneté des affaires, le nombre de victimes, le nombre de témoins prêts à parler, le degré de notoriété des mis en cause… « Le pire, dit Marine Turchi, ce n’est pas les dossiers qu’on traite ; c’est ceux qu’on ne traitera pas. C’est de voir l’injustice et l’impunité qui peuvent perdurer. C’est de constater que la justice, parfois, n’arrive pas à traiter ces affaires. C’est d’annoncer à des gens qui sont en souffrance qu’on ne pourra pas se pencher sur leur cas. » Des gens en souffrance… Mais elle, comment va-t-elle ? Est-on suivi par des psychologu­es, quand on est à ce point plongé dans ces dossiers ? « Non, ça va. À force, on apprend. » Restent certains souvenirs que l’on sent encore vifs. Ainsi, l’enquête qu’elle considère comme ayant été « la plus difficile à mener » n’a jamais été publiée.

“Avec les dossiers de violences sexuelles qu’on nous a adressés depuis, on a cinq ans de travail devant nous.”

Elle concernait Claude Lanzmann. La phase de recueil de témoignage­s et documents était « bouclée » sur ce dossier où de nombreuses femmes ont dénoncé au fil du temps des violences sexuelles commises par le cinéaste, et Marine Turchi s’apprêtait à le contacter pour obtenir sa version, quand il est mort. Or, pas de contradict­oire, pas d’article ; la règle est implacable. Dans les jours qui ont suivi, sur les réseaux sociaux, une femme l’a accusée d’avoir censuré l’enquête, d’autres personnes lui ont reproché, au contraire, d’avoir enquêté 8).

(

Mais elle continue, évidemment. « Avec les seuls dossiers de violences sexuelles qui nous ont été adressés depuis novembre, on a cinq ans de travail devant nous. » Sa méthode ne varie pas, quel que soit le sujet. « Je retranscri­s par écrit tous mes entretiens, ça me prend des heures. Ensuite, je les classe par thèmes. Mais il y a une chose que j’aime moins… » La nuit tombe sur Paris, voilà plus de quatre heures que Marine Turchi parle de son métier. Va-t-elle dévoiler, qui sait, un détail plus personnel ? Elle reprend : « C’est la phase d’écriture. Moi, vraiment, je préfère enquêter. »

Marine Turchi

 ??  ?? 28 février 2020 : Adèle Haenel quitte les césars après l’attributio­n du prix du meilleur réalisateu­r à Roman Polanski.
28 février 2020 : Adèle Haenel quitte les césars après l’attributio­n du prix du meilleur réalisateu­r à Roman Polanski.
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