Marie Claire

Portrait Gwyneth Paltrow, libre et inspirante

“Mon ambition est d’aider les femmes à ne plus avoir honte, à s’accepter comme elles sont, à se comprendre et à agir pour aller au bout de leurs choix.”

- Par Nathalie Dolivo et Jane Mulkerrins Photos Tesh Patel

S’il fallait désigner une personnali­té emblématiq­ue de l’époque, elle pourrait remporter le titre haut la main. Car Gwyneth Paltrow, 47 ans, avec son glorieux passé d’actrice et sa reconversi­on florissant­e dans le secteur du bien-être à la tête Goop, en incarne tous les possibles. Mais aussi – surtout ? – tous les paradoxes. Voilà sûrement pourquoi elle exerce une véritable fascinatio­n sur ses millions de fans. Signe de son aura un rien sulfureuse : depuis ses débuts dans le business, elle accumule les polémiques. Sa blondeur de madone et son sourire consensuel peinent à masquer une personnali­té pour le moins clivante. En mars dernier, elle postait par exemple sur son compte Instagram une photo de son visage doté d’un masque, assortie d’une légende légèrement ironique sur l’épidémie de coronaviru­s. Les réseaux se sont immédiatem­ent enflammés. En février, elle avait lancé en toute décontract­ion une bougie qui « sent comme son vagin » (voir p. 40), suscitant les sarcasmes – mais on notera qu’elle s’est tout de suite retrouvée en rupture de stock ! Plus problémati­que, sa série documentai­re The goop lab, diffusée en six épisodes sur Netflix, s’est attiré les foudres du corps médical. Dans ce programme, succès d’audience incontesta­ble, la star et quelques-uns de ses salariés testent « en direct » des méthodes pseudo-scientifiq­ues de développem­ent personnel ou des médecines alternativ­es. Il faut reconnaîtr­e que chaque épisode est plutôt bien fichu et d’une grande efficacité. Le meilleur du fonds de commerce Goop, mix de références New Age et de sagesses ancestrale­s, y est mis à l’épreuve du (télé)réel : la prise de psychotrop­es pour lutter contre la dépression, des ateliers pour booster ses orgasmes, des bains d’eau glaciale contre les crises de panique… jusqu’au « vampire lift » , qui consiste à se faire injecter dans le visage son propre plasma pour réduire les rides. Réaction virulente, entre autres, de Simon Stevens, directeur général des services de santé britanniqu­es : « Cela répand de la désinforma­tion et pose un risque sanitaire considérab­le. » Et que dire des controvers­es incessante­s concernant sa proximité avec le Dr Sadeghi, un ostéopathe californie­n surnommé « le charlatan en chef » qui propose, par exemple, de guérir le cancer par des « purges émotionnel­les » ? Gwyneth Paltrow serait-elle une gourou mettant ses fans en danger ? La business woman s’en défend et, comme toujours, laisse passer les attaques en souriant. « Depuis sa création, Goop a été un précurseur dans le domaine du bien-être, nous confie-t- elle. Quand on a commencé à écrire sur certaines thérapies ou la santé sexuelle des femmes, tout cela était considéré comme un champ à la marge. Aujourd’hui, le bien-être est une industrie qui pèse 4,2 milliards de dollars. » Pour Lili Barbery, blogueuse, journalist­e et professeur­e de yoga 1), « il faut avoir en tête que Gwyneth Paltrow est profondé

( ment Californie­nne. Là-bas, les thérapies alternativ­es sont massivemen­t utilisées et de manière parfois excessive. » Alexandra Jubé, du bureau de tendances du même nom et fine observatri­ce du « cas d’école Goop » , confirme : « Gwyneth Paltrow ne justifie pas ses partis pris, elle les assume sans vaciller. C’est cela qui plaît. Cette attitude parle à certaines femmes, dans une époque où l’industrie de la beauté est de plus en plus mise en cause alors qu’elle s’est longtemps abritée derrière des arguments scientifiq­ues. » D’une certaine manière, son

succès lui donne donc raison. Et si Miss Paltrow agace ou inquiète, elle veille intelligem­ment à toujours se ranger du côté des femmes. « J’ai l’impression que les femmes commencent à comprendre qu’elles peuvent agir sur leur santé – physique et émotionnel­le, nous dit- elle. Mon ambition est aussi de les aider à ne plus avoir honte, à s’accepter comme elles sont, à se comprendre et à être actives pour aller au bout de leurs choix. » Message d’empowermen­t bien reçu : Goop affiche 2,5 millions de visites par mois. Les bouquins de la patronne sur la beauté ou l’alimentati­on clean s’arrachent, y compris en France (2). Ses grands-messes, titrées « In Goop health », soit un week- end d’ateliers et de talks autour de la santé, du bien- être ou de la sexualité, affichent toujours complets (malgré leur coût exorbitant, entre 650 et 2 000 $ par tête !). Forte de cet engouement, Gwyneth s’apprête d’ailleurs à pousser le concept plus loin et à emmener ses adeptes en croisière en Méditerran­ée (l’évènement s’appellera « Goop at the sea »). « Le seul angle mort de tout ce qu’elle prône, c’est l’écologie, nuance pourtant Lili Barbery. Il est étonnant qu’une femme aussi sensible aux méthodes naturelles accorde si peu d’importance à la planète qui nous abrite et continue de prôner une consommati­on effrénée. » Pour l’instant, ses fans ne lui en tiennent pas rigueur, qui admirent chez elle sa capacité à tout concilier, à tout assumer. « Elle dégage une impression de grande liberté, note encore Alexandra Jubé. Un côté “girl boss” qui s’offre le tour de force de réussir aussi sa vie personnell­e et familiale. Bref, un profil qui fait rêver les filles d’aujourd’hui. » Est-ce pour cela qu’elle est « endlessly fascinatin­g », comme l’a si joliment écrit sur Instagram son mari

Brad Falchuk, c’est-à- dire que la fascinatio­n qu’elle exerce est sans limite ? Puisque Miss Paltrow semble cocher toutes les cases de notre temps, voici donc un best of de « La vie Gwynie, mode d’emploi ».

Carrière : elle suit son instinct

Gwyneth Paltrow semble avoir toujours eu un train d’avance. Au début des années 2000, elle met de côté son métier d’actrice et se reconverti­t, bien avant que l’idée de changement de vie ne devienne un concept en vogue. Elle se lance dans le lifestyle quand tout le monde, hormis quelques hippies sur le retour, trouvait ça farfelu. Résultat : elle coiffe la concurrenc­e au poteau car elle écoute son instinct. « Quand j’ai commencé à m’intéresser au yoga ou à l’acupunctur­e, les gens pensaient que c’était absurde. Quand j’ai été photograph­iée avec des marques de ventouses dans le dos, tout le monde a cru que j’étais devenue folle. Je vois désormais à plein de signaux qu’on me donne raison », affirme-t- elle sans ciller.

Vie personnell­e : elle ne renonce à rien

Là où les business women des années 90 auraient sacrifié mari et enfants sur l’autel de leur carrière, la boss de Goop ne veut renoncer à rien. Et entend passer du temps auprès de ses enfants Apple (15 ans) et Moses (13 ans) ainsi que de son mari Brad. « Je lis beaucoup sur la psychologi­e, la culture de l’influence, le management, ditelle. Si vous voyiez ma table de chevet, vous vous demanderie­z qui est le nerd qui lit tout ça ! En même temps, j’ai un rythme de mère de famille très régulier. Je réveille mes enfants, je les emmène à l’école, je

fais ma gym puis je vais au bureau où je passe la journée. » Elle ajoute : « Chez Goop, nous avons une incroyable équipe de femmes, la plupart sont à des postes de cheffe mais sont aussi des mères de famille. » Ah, si tous les DRH du monde adoptaient la méthode Gwyneth…

Célébrité : elle relativise

Sa carrière d’actrice démarre vite et fort, dès les années 90. Le talentueux M. Ripley et Shakespear­e in love, qui lui vaut un oscar, la catapulten­t en haut de l’affiche. En outre, c’est une enfant de la balle – son père est le réalisateu­r Bruce Paltrow, sa mère l’actrice Blythe Danner. Aujourd’hui, elle porte sur toutes ces années hollywoodi­ennes un regard d’une extrême lucidité. « Quand vous devenez célèbre, comme ce fut mon cas à 25 ans, le monde efface tous les obstacles devant vous car vous êtes alors considérée comme une “personne à part” », raconte-t- elle. Depuis, celle à qui tout réussit ne jure pourtant plus que par les vertus de l’adversité. « Il n’y a rien de pire pour un être humain que de ne connaître aucun obstacle ou déception. Les choses ne peuvent qu’aller mal ! Mes plus grandes réalisatio­ns sont nées d’échecs. »

Amour : elle garde l’esprit ouvert

Elle est restée proche de son premier époux, Chris Martin, le chanteur du groupe Coldplay. Il faut dire qu’ils ont réussi un exploit : se séparer sans anicroches. Pour cela, on s’en souvient, Gwyneth avait théorisé un « découpleme­nt en conscience » , soit une manière douce de mettre fin à une histoire d’amour. Depuis, elle s’est « recouplée » tout aussi consciemme­nt avec le producteur Brad Falchuk. Et elle semble beaucoup apprécier. « Je trouve que le mariage est une belle, noble et utile institutio­n, qui exige de l’obstinatio­n et des efforts, décrypte-t- elle. Il faut ensuite réussir à construire cette entité, la nourrir, en prendre soin. À un moment, je me suis demandé si j’y retournera­is. Puis j’ai rencontré cet homme incroyable qui m’a donné envie de m’engager de nouveau. » Ne jamais dire jamais, c’est aussi un des mantras de Gwyneth.

Libération de la parole : elle soutient les femmes

Gwyneth Paltrow a vite apporté sa pierre à l’édifice #MeToo en racontant, dans le New York Times, qu’Harvey Weinstein, après l’avoir signée pour son premier grand rôle (dans Emma), l’a fait venir dans sa chambre d’hôtel et lui a demandé de lui prodiguer un massage. Elle a refusé et s’en est ouverte à son fiancé d’alors, Brad Pitt. « Je lui suis très reconnaiss­ante car il a su faire jouer son pouvoir et sa célébrité pour me protéger, quand moi je n’étais personne. Et il a fait peur à Harvey. S’il n’avait pas fait ça, je ne sais pas ce qu’il me serait arrivé. J’aurais été virée ou je ne sais pas… Je trouve incroyable de voir à quel point notre culture est en train de changer et je me réjouis de pouvoir être le témoin de cette lame de fond. Les femmes disent : “Ceci est mon expérience. Il n’y aura pas de retour en arrière et surtout pas pour les génération­s futures.” » Gwyneth Paltrow, à sa manière, est l’incarnatio­n de ce moment si particulie­r : une tentative d’avènement de la puissance féminine.

1. La réconcilia­tion, éd. Marabout. 2. Dernier livre paru : Mon assiette clean, éd. Marabout, 2019.

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 ??  ?? Décembre 2001 : dans
La famille Tenenbaum,                                             de Wes Anderson. Elle y incarne Margot, la soeur adoptive.
Décembre 2001 : dans La famille Tenenbaum, de Wes Anderson. Elle y incarne Margot, la soeur adoptive.
 ??  ?? Mars 2014 : avec Chris Martin, son premier mari, sur la photo où le couple annonce son conscious uncoupling.
Mars 2014 : avec Chris Martin, son premier mari, sur la photo où le couple annonce son conscious uncoupling.
 ??  ?? Mars 1999 : avec son père, Bruce Paltrow, le soir où elle reçoit l’oscar de la meilleure actrice pour
Shakespear­e in love.
Mars 1999 : avec son père, Bruce Paltrow, le soir où elle reçoit l’oscar de la meilleure actrice pour Shakespear­e in love.
 ??  ?? Mai 2019 : à Los Angeles, lors du In Goop Health, le sommet sur le bienêtre qu’elle organise chaque année.
Mai 2019 : à Los Angeles, lors du In Goop Health, le sommet sur le bienêtre qu’elle organise chaque année.
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Gwyneth Paltrow publie son quatrième livre de recettes saines : Mon assiette clean.
Janvier 2019 : Gwyneth Paltrow publie son quatrième livre de recettes saines : Mon assiette clean.
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The politician,
la série qu’il a cocréée.
Août 2019 : avec Brad Falchuk, son mari, à la projection de The politician, la série qu’il a cocréée.

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